Avant de rappeler quelques faits qui sont, selon moi, trop oubliés
de nos jours et pourtant essentiels pour comprendre la situation économique actuelle
de notre pays, je me permettrai de préciser que j’ai toujours été,
politiquement, plutôt de droite. Anti-Sarkozy, certes, je le suis devenu, mais
seulement parce que je suis anti-voyou et anti-racaille, et que le comportement
de Sarkozy à la tête de l’État manquait souvent, et cruellement, de dignité pour
qui exerce la plus haute fonction représentative. Et encore, on ne sait
sûrement pas tout, comme les affaires judiciaires le montreront peut-être un
jour à l’instar de ce qu’elles ont fini par montrer en Italie concernant
Berlusconi. Espérons que cela ne prendra pas autant de temps.
Étant révolté par le fait que Sarkozy puisse continuer à
représenter la France, je me suis résigné, sans enthousiasme, à voter Hollande
—alors que j’aurais voté Fillon avec plaisir s’il avait été candidat. Je
constate que la gauche, sur le plan économique, n’a pas fait sensiblement mieux
ni plus mal que la droite n’aurait sans doute fait à sa place. Nous verrons si
Valls parvient à faire mieux qu’Ayrault, mais je suis convaincu comme la
plupart des observateurs objectifs que, quelle que soit la politique économique
mise en œuvre (offre, demande, combinaison des deux), la France est trop
sclérosée et trop réticente à se réformer pour retrouver le chemin de la
croissance, si les autres pays ne « tirent » pas cette croissance.
Or, la relative atonie européenne et mondiale actuelle ne présage rien
d’enthousiasmant à cet égard.
Ce qui m’amène aux quelques faits que je voulais souligner
dans ce billet : la crise que nous vivons depuis quelques années, d’où
vient-elle ? Qui en est responsable ? Qui a contribué à l’endiguer ou
à l’aggraver pour en arriver là où nous en sommes ?
L’origine de la crise, comme on a tendance à l’oublier,
réside aux États-Unis. Ce sont nos amis américains qui l’ont créée de toutes
pièces et l’ont exportée chez nous.
Au départ, il y eut l’appétit excessif des banques
américaines (j’y inclus l’équivalent de nos caisses d’épargne, les savings
and loans) qui, dans une économie où presque tout le monde avait déjà des
crédits, se sont entêtées à rechercher encore de nouveaux clients, et ce dans
le principal secteur où des « friches » existaient encore :
celui du logement. Ce faisant, elles se sont approchées dangereusement de
franges de la population de moins en moins solvables, en leur proposant des
facilités pour devenir propriétaires de leur logement, au lieu d’en demeurer locataires.
Or, il y avait une bonne raison pour que ces populations ne
soient pas déjà devenues propriétaires : c’est que, justement, elles
n’étaient pas assez solvables pour emprunter, selon les critères bancaires
traditionnels et prudents. Qu’à cela ne tienne, on a jeté la prudence aux
orties et, pendant quelques années, le système a tenu, parce qu’il y avait de
la croissance économique et que les populations à risque se maintenaient à flot
(parfois de justesse) par leur travail. Puis, l’économie a commencé à ralentir,
et bien entendu, ces populations-là ont été les premières touchées (ce n’est
pas pour rien qu’on les appelait « à risque » !). Ces nouveaux emprunteurs
ont commencé à perdre leur emploi, et à ne plus pouvoir rembourser. Les banques
ont exercé les droits qu’elles tenaient des contrats de prêts immobiliers et
ont dépossédé leurs clients de fraîche date des logements qu’ils avaient à
peine commencé à payer (les fameuses foreclosures de sinistre mémoire).
Elles se sont ainsi retrouvées à la tête d’un parc immobilier considérable,
qu’elles n’étaient pas équipées pour gérer (ce n’est pas la vocation d’une
banque), et dont la valeur chutait considérablement car personne ne voulait de
ces logements : les populations solvables étaient déjà logées, et les
insuffisamment solvables étaient… à la rue, du fait des expulsions.
De proche en proche, les banques ont commencé à s’appauvrir,
et à ne plus pouvoir elles-mêmes faire face à leurs propres échéances, car bien
sûr les banques s’empruntent et se prêtent en permanence les unes aux autres,
ces différents engagements entrecroisés composant une toile d’araignée
financière d’ampleur aussi mondiale (et nettement plus ancienne) que celle de
l’internet. Par voie de conséquence, la crise bancaire américaine (qui a
atteint son sommet avec la faillite retentissante et impensable de Lehman
Brothers) fut exportée à l’étranger, à commencer par l’Europe. Les banques,
sachant que la solvabilité des autres établissements pouvait être rapidement
fragilisée, voire devenir douteuse, ont de plus en plus répugné à se faire
confiance, à se prêter, et n’ont donc plus été en mesure d’obtenir suffisamment
de capitaux pour financer les entreprises. La crise du système bancaire avait
déjà coûté très cher aux États qui avaient dû mettre la main à la poche pour
éviter le fameux « risque systémique », c’est-à-dire l’écroulement de
tout le système et la spoliation de centaines de millions d’épargnants… et
voilà maintenant que cette crise, elle-même plus ou moins circonscrite,
contaminait le tissu économique.
Face à cette situation, les pays n’ont pas tous réagi de la
même manière. L’on se souvient que Sarkozy s’est longtemps vanté que la France
s’en était sortie nettement moins mal que certains autres, en souffrant
beaucoup moins de la crise. C’était vrai. Pourtant, la France, on le sait, n’a
rien d’un Superman de l’économie. Comment a-t-on donc pu s’en tirer mieux
(c’est-à-dire traverser ce passage avec moins de douleurs) qu’un pays comme
l’Allemagne, certes moins brillant que nous en matière d’innovation, mais
infiniment plus solide industriellement ?
La réponse est simple : la France s’est endettée.
Pendant deux ans, Sarkozy a impulsé une politique de la dépense sans retenue,
injectant des centaines de milliards dans le circuit économique à la place des
banques (ou leur donnant l’argent pour le faire). Ce fut, souvenons-nous-en, le
fameux « Plan de relance ». Chaque matin, en écoutant la radio, je me
demandais : « Mais où va-t-il aller chercher l’argent qu’il est en
train de dépenser ? » On avait l’habitude d’avoir un mal fou à
trouver quelques millions pour sauver tel ou tel projet, et d’un coup ça nous
pleuvait dessus à coups de milliards, comme si on avait soudainement découvert
un énorme bas de laine oublié…
Or, bien sûr, ces milliards, le pays ne les avait pas,
attendant sagement dans les coffres de la Banque de France qu’on veuille bien
les dépenser. Il a donc fallu les emprunter. Et c’est bien cet énorme fardeau
qui plombe aujourd’hui, et durablement, nos comptes publics. Certes, vivre
au-dessus de ses moyens était depuis longtemps une caractéristique de la
France, quels que soient les gouvernements, mais jamais on n’avait vu une telle
accélération de l’endettement en si peu de temps.
La gauche, arrivant au pouvoir, a bien entendu souligné cet
élément, mais l’opinion française n’aime pas que l’on dise que c’est la faute
des autres —même quand c’est vrai. Aussi, au bout de quelques mois, plus
personne n’a osé entonner le refrain de « l’héritage », alors même
que nous subissons, et allons encore subir longtemps, les conséquences de cette
dispendieuse irresponsabilité. Je ne dis pas qu’il faut se contenter de blâmer
la politique économique de Sarkozy ; il faut assurément aussi tenter d’en
contrer ou d’en limiter les effets, et pour cela, de relancer la machine
économique. Mais pour autant, cette politique a contribué de manière importante
à plomber la situation du pays, et à réduire ses marges de manœuvre alors même
que d’autres pays, qui ont eu plus mal que nous lors de la crise bancaire et
économique, commencent à retrouver les leurs.
Il me semble donc important de ne pas oublier qui nous a
menés là où nous sommes : à l’origine, nos amis américains et la
gloutonnerie imprudente de leurs banques ; puis, notre ancien Président et
sa politique de dépenses massives, mais à courte vue.
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