Comme vous sans doute, pour me connecter aux services en
ligne de ma banque (car je ne fréquente quasiment plus le guichet), je possède
un identifiant (qu’on m’a donné) et un mot de passe (que j’ai choisi). Ce mot
de passe est le même depuis des années, car jusqu’à présent ma banque m’avait
fichu la paix sur le sujet. Je suis le seul à le connaître (à part ma femme),
je ne l’ai jamais communiqué à personne, et il n’a jamais été « compromis »,
comme disent les espions. Il n’est écrit nulle part puisque je l’ai mémorisé
depuis des années, personne n’a jamais accédé frauduleusement à mon compte en
banque, bref tout va bien.
Ou plutôt, tout allait bien, jusqu’à ce que ma banque (qui
plonge de plus en plus dans le stupide, ça devient inquiétant) m’a notifié que,
« pour ma sécurité », il allait falloir que je change de mot de passe…
Ma sécurité ? Quelle sécurité ? Je suis
parfaitement en sécurité à l’heure actuelle, merci.
Que craint-on ? Qu’au fil des années, j’aie disséminé mon
mot de passe auprès de louches personnages, qui auraient cependant attendu, en
hésitant, avant de basculer dans la délinquance et de venir me piquer mon
pognon ? La DGSE a-t-elle eu vent de ce qu’un de ces malandrins s’apprêterait
à passer à l’acte, pour qu’il faille que je change d’urgence le mot de passe
ainsi imprudemment confié il y a des lustres ?
Parce que sinon, je ne vois vraiment pas pourquoi on m’oblige
à modifier un mot de passe qui est aujourd’hui tout aussi secret qu’il l’était
au premier jour ! Si encore il y avait eu « compromission », ou
même simplement doute, eh bien je comprendrais qu’on me demande de le changer,
en vertu de ce fameux principe de précaution qui nous empoisonne tant la vie en
faisant de nous de perpétuels assistés, des enfants mal grandis et
déresponsabilisés… mais dans mon cas, rien de tout cela.
Ou bien serait-ce que ma banque (la Société Générale) se
serait fait piquer les données de ses clients, comme un Facebook ou je ne sais
quel vulgaire site de rencontres, et n’oserait pas le dire ? Là, ce serait
un scoop !
Donc, première conclusion : me demander de changer mon
mot de passe est stupide, idiot, imbécile, injustifié.
En second lieu, c’est contre-productif.
En effet, qu’attend-on avant tout d’un mot de passe ?
Qu’il soit secret, et qu’il le reste.
Or, entre les mots de passe du boulot et ceux de la vie
privée, ce sont plusieurs dizaines de combinaisons de chiffres et/ou de lettres
qu’on nous demande de mémoriser… chose à l’évidence irréaliste et impossible
—mais ça facilite le boulot des institutions qui, quand il y a eu intrusion,
peuvent faire porter le chapeau aux clients pour n’avoir pas assez bien protégé
leur mot de passe.
Car en pratique, que faisons-nous face à cette invasion, cette
profusion de mots de passe qui envahit notre quotidien et qui, en plus,
changent périodiquement ? Eh bien, faute de pouvoir tous les mémoriser
sans erreur… on les écrit quelque part ! Et c’est bien là le comble de la
bêtise, c’est qu’en nous demandant des efforts de mémoire déraisonnables, on
nous pousse, que dis-je ? on nous contraint, en vérité, à compromettre la
sécurité, parce que sinon, on ne se souviendra jamais de tout.
Ainsi donc, on se tire la proverbiale balle dans le pied, et
je suis surpris que des banquiers raisonnables puissent ainsi se laisser
enfumer par des informaticiens soi-disant spécialistes de la sécurité, qui n’ont
pas deux sous de bon-sens, et poussent des millions de gens à faire des choses
exactement contraires aux buts sécuritaires qu’ils affirment vouloir défendre.
En voilà encore qui devraient rapidement changer de métier.
Bonne année à toutes et à tous... malgré les neuneus, les idiots et les terroristes!
Bonne année à toutes et à tous... malgré les neuneus, les idiots et les terroristes!