Les
fake news (fasses
nouvelles), ces informations erronées et/ou mensongères mais qui présentent
toutes les apparences du vrai, et auxquelles de nombreux gogos se laissent
prendre, sont très à la mode depuis qu’un clown a été élu par ses compatriotes
Président des États-Unis —ce qui en dit long sur
leur maturité, d’ailleurs.
De la même manière, les fake
photos (photos mensongères) fleurissent de toutes parts sur nos écrans. En
écrivant fake photos, je ne veux pas
faire allusion aux photos truquées, qui ont toujours existé, qu’il s’agisse des
cils ajoutés au crayon sur les portraits du studio Harcourt, des dignitaires en
disgrâce effacés des photos du Kremlin, ou des bourrelets de Sarkozy retouchés
dans Photoshop… Non, je parle de ces photos dans lesquelles, abandonnant toute
notion de bon goût (mais en ont-ils jamais eu ?), certains « photographes »,
shootés à l’égotine concentrée, poussent au fond du fond les curseurs de
vibrance, de saturation, de contraste, bref font tous leurs efforts pour donner
à leurs photos les couleurs les plus pétantes qu’il soit possible d’imaginer
dans l’état actuel de la technique.
C’est tape-à-l’œil, c’est ridicule, ça n’a plus rien à voir
avec ce qu’ils ont vu dans la réalité, et ça perd toute crédibilité.
Et alors ? Vous pensez que c’est ça qui va empêcher des
milliers, voire des millions de neuneus, qui n’ont pas meilleur goût que les « photographes »
en question, d’applaudir l’audace du gars qui a osé pousser la souris encore un
peu plus loin que les autres ? Pas du tout ! Au contraire, ils vont
adorer ! Et ils adorent, les commentaires que je lis tous les jours sur
Flickr en sont la preuve.
Après tout, pourquoi s’en étonner ? On connaît bien le
niveau de la médiocrité ambiante, il n’y a qu’à voir les scores que font les
émissions de télé-réalité, de préférence un peu cruelles et/ou salaces (les
jeux du Cirque l’étaient bien déjà), face à Arte ou à France 5. Donc, partant
du principe que la subtilité d’une composition toute en courbes ou la fragilité
d’un pastel, passeront largement au-dessus de la tête du neuneu moyen, mais que
ce dernier se prendra en revanche en pleine poire un ciel mauve fluo ou bien un
reflet de soleil rouge pompier laqué sur un rocher au soleil couchant, pourquoi
nous étonner ?
Le médiocre appelle le médiocre, lequel ne peut, pour tenter
de se démarquer, qu’en rajouter encore, jusqu’à tomber dans le franchement
ridicule, domaine où il ne risque rien, son public l’y ayant précédé depuis longtemps,
en sandalettes Birkenstock et pantacourts.
On ne devrait donc pas s’en étonner, d’accord, mais
cependant on s’en étonne. Pourquoi ? Parce que, je pense, nous voyons là la
vulgarité
graillonneuse et transpirante
en marche, en train d’envahir un domaine que nous pensions artistique, un
domaine qui était le nôtre et dans lequel nous tentions de progresser, petit à
petit, au prix de tant d’efforts… Aujourd’hui, Monsieur Legras et le cousin
Kevin ont un appareil-photo (fut-il celui de leur
smartphone), et ils ont aussi des comptes sur Flickr, où leur photographie
graveleuse peut s’exprimer avec succès auprès de la foule innombrable de leurs
semblables…
Certes, vous et moi ne faisons pas partie de ce monde-là, et
nous en avons bien conscience. Il n’en reste pas moins que, comme il est de
plus en plus difficile de trouver un coin pour échapper à la canicule en ces
étés, disons-le, maghrébins, les lieux où les vrais (disons-le aussi)
photographes peuvent se retrouver et s’exprimer sans être pollués par le
vulgum se font aussi de plus en plus
rares.