Bien exposer ses photos, 2e partie
Comprendre
les principes de l’exposition photographique
Avec tous ces éléments, comment « construire » une exposition ?
Vous l’avez compris, tous ces éléments (temps de pose,
sensibilité du capteur, ouverture plus ou moins grande du diaphragme) ne
servent qu’à une chose : moduler la quantité de lumière qui va aller
frapper le capteur : ou bien on laisse entrer moins de lumière, ou bien
davantage ; ou bien on en laisse entrer la même quantité, mais pendant
moins longtemps, ou pendant plus longtemps. Plus il y aura de lumière frappant
le capteur, plus la photo sera claire… et, s’il en vient trop, surexposée,
c’est-à-dire totalement blanche par endroits (ou en totalité !). S’il n’en
vient pas assez, au contraire, la photo sera sombre, sous-exposée.
Reste donc à comprendre comment doser cette quantité de
lumière existante, afin qu’il n’y en ait ni trop, ni pas assez qui atteigne le
capteur.
L’on prendra ici pour hypothèse, pour simplifier les
choses, que la sensibilité du capteur reste fixée à sa valeur de base (en
général 100 ou 200 ISO), et qu’on n’a pas envie d’en changer car c’est à cette
valeur que le capteur délivre ses meilleures performances.
Reste donc à agir sur le temps de pose, le diaphragme ou,
le plus souvent, les deux.
C’est ici qu’il faut comprendre quelque chose de
fondamental : non seulement le temps de pose et le diaphragme
sont liés (si l’on décide de raccourcir « un peu » le temps de pose,
on peut ouvrir un peu plus le diaphragme pour compenser), mais en plus ils sont
liés par un lien arithmétique qui va nous permettre de transformer notre
approximatif « un peu » en une équivalence parfaitement exacte.
Pour commencer, apprenons qu’il existe en photographie des
temps de pose « standard » qui existent depuis des décennies. Ces
temps de pose sont les suivants :
1
seconde
|
1/125e
|
½
seconde
|
1/250e
|
¼
seconde
|
1/500e
|
1/8e
seconde
|
1/1000e
|
1/15e
seconde
|
1/2000e
|
1/30e
seconde
|
1/4000e
|
1/60e
seconde
|
1/8000e
|
Bien sûr, on peut prolonger la
série au-delà d’une seconde selon le même principe : 2 secondes, 4
secondes, etc. Bien sûr aussi, toutes ces vitesses n’ont pas existé dès le
début de la photographie : pendant longtemps, les appareils les plus
perfectionnés se sont arrêtés au 1/1000e seconde, et encore cette
vitesse n’a-t-elle commencé à apparaître que vers le milieu du XXe
siècle. Les temps de pose plus courts sont apparus lorsque les obturateurs,
jadis composés de rideaux en toile noire, se sont mis à utiliser des matériaux
modernes comme le titane, autorisant des vitesses d’ouverture et de fermeture
beaucoup plus élevées. Il n’existe toutefois pas aujourd’hui de demande pour
aller au-delà du 1/8000e seconde en photographie générale, bien que
des appareils spécialisés en soient capables, notamment pour des applications
scientifiques.
Ces valeurs sont logiques et faciles à mémoriser, puisqu’à
chaque fois on divise ou on multiplie par deux le temps de pose pour passer de
l’une à l’autre : si on ouvre l’obturateur pendant 1/500e de
seconde, on comprend facilement qu’il entrera deux fois moins de lumière que si
on le laisse ouvert pendant 1/250e. Aujourd’hui, les appareils
numériques nous proposent des valeurs interpolées entre ces valeurs
principales, mais ce sont de ces dernières dont il faut avant tout se souvenir.
On les appelle souvent des « valeurs pleines ».
De la même manière, il existe (cette fois, depuis les
origines de la photographie ou presque) des « valeurs pleines » pour
décrire les différentes ouvertures que peut prendre le diaphragme, et celles-là
aussi, il va falloir les mémoriser, mais ce sera plus difficile car, comme on
l’a vu, ces valeurs pleines correspondent à des nombres sans lien perceptible
avec la réalité.
Les objectifs dotés d’une très grande ouverture ouvrent en
général à f/1.4, parfois à f/1.2. Certaines prouesses optiques, plus
prestigieuses (et coûteuses !) que véritablement exploitables, conduisent
à des ouvertures de f/0.95, ce qui signifie, pour un objectif de 50 mm de
longueur focale, que la lentille frontale mesure un peu plus de 50 mm de
diamètre… Sans aller jusqu’à de tels extrêmes, si l’on part de l’ouverture,
déjà très grande, de f/1.4, alors les « valeurs pleines » qu’il faut
mémoriser sont les suivantes :
1.4
|
8
|
2
|
11
|
2.8
|
16
|
4
|
22
|
5.6
|
32
|
Pourquoi faut-il mémoriser ces valeurs-là, et pas
d’autres ? Parce que, de n’importe laquelle de ces valeurs pleines à la
suivante, on multiplie ou l’on divise par deux la quantité de lumière admise à
travers l’objectif…! L’on fait donc exactement la même chose quand on passe
de f/5.6 à f/4 que quand on passe de 1/500e à 1/250e de
seconde : on double la quantité de lumière qui va aller frapper le
capteur… même s’il est beaucoup moins facile de « visualiser »
intellectuellement un doublement (ou une division par deux, selon le sens dans
lequel on va) entre 4 et 5.6… On le comprendrait mieux si l’on parlait de 4 et
de 8, mais hélas ! l’optique est ainsi faite et n’est, en ce domaine, pas
intuitive. L’on ne peut que mémoriser.
Quel est l’intérêt de tout cela ? Tout simplement de
comprendre que le réglage du temps de pose et le réglage du diaphragme
sont, quand on prend garde de rester sur des « valeurs pleines »,
exactement interchangeables en termes de quantité de lumière : si
le posemètre de l’appareil, mesurant la lumière existante, nous dit que la
photo sera bien exposée au 1/500e de seconde à f/8, et que nous
souhaitons, pour une raison ou pour une autre, adopter un temps de pose plus
court, par exemple 1/2000e de seconde, qu’allons-nous devoir
faire ?
¨
nous avons raccourci le temps de pose de deux valeurs
pleines, passant du 1/500e au 1/1000e, puis au 1/2000e :
nous avons donc diminué potentiellement la quantité de lumière qui va frapper
le capteur par 2 × 2 = 4 ;
¨
pour compenser, nous devons donc ouvrir le diaphragme de
deux valeurs pleines, passant de f/8 à f/5.6, puis à f/4.
Nous retrouverons ainsi une exposition correcte : la
« fenêtre » sera ouverte moins longtemps, mais nous agrandissons le
diamètre du tube, et donc son « débit », ce qui fait qu’en
définitive, la même quantité de lumière entre.
Comme on l’a vu, les boîtiers
modernes proposent des valeurs intermédiaires entre deux valeurs pleines. C’est
vrai pour les temps de pose, c’est vrai aussi pour les ouvertures. Et bien
entendu, les équivalences sont également applicables entre ces valeurs
intermédiaires.
Par exemple, si votre boîtier
est réglé pour vous proposer deux valeurs intermédiaires entre chaque valeur
pleine des temps de pose (entre 1/500e et 1/1000e, il
vous proposera par exemple 1/640e et 1/800e), choisir la
« valeur pleine + 1 » à partir de 1/500e (1/640e,
donc) correspondra à choisir cette même « valeur pleine + 1 » dans
les ouvertures, soit par exemple f/6.3 si votre valeur pleine de départ est
f/5.6 et que votre boîtier vous propose les deux valeurs intermédiaires f/6.3
et f/7.1 entre f/5.6 et f/8.
Mais pour simplifier, je vous
conseille de ne mémoriser pour commencer que les « valeurs pleines »
du diaphragme, c’est déjà assez compliqué comme cela.
Nous savons donc maintenant qu’il y a une relation
arithmétique entre les temps de pose et les ouvertures du diaphragme : on
peut baisser les uns et monter les autres du même nombre de valeurs, et l’on
aura toujours la même quantité de lumière allant frapper le capteur : soit
par un tuyau plus grand mais pendant moins longtemps, soit pendant plus
longtemps mais par un tuyau plus petit.
Pourquoi faire varier le temps de pose plutôt que l’ouverture ?
Si les deux choses : temps de pose et ouverture,
produisent un résultat équivalent, et se compensent l’une l’autre, pourquoi
choisir d’ajuster un paramètre plutôt que l’autre ? La réponse est simple
et sera dictée par les circonstances dans lesquelles va se placer la photo
concernée : si c’est une photo d’action, de sport, bref si le sujet est
animé d’un mouvement rapide, on privilégiera souvent un temps de pose court,
afin de figer l’action.
Si l’on fait le portrait d’un sujet immobile, il n’est
pas important de travailler avec une vitesse d’obturation rapide, mais il
pourra être important d’utiliser une grande ouverture de diaphragme afin de
bénéficier d’une courte profondeur de champ qui procurera un joli flou
d’arrière-plan, tout en conservant une mise au point bien nette sur le sujet.
Et si l’on photographie un paysage avec, au premier plan, des feuillages en
mouvement sous l’effet de la brise, on choisira un diaphragme bien fermé pour
avoir une grande profondeur de champ, augmentant donc le temps de pose, mais ne
l’augmentant quand même pas au point que les feuillages agités par la brise
deviennent flous… à moins que ce soit précisément l’effet que l’on
recherche !
Quel « mode-programme » choisir ?
De nombreux appareils numériques modernes un peu
sophistiqués (et en tous cas tous les reflex) permettent à l’utilisateur de
faire fonctionner leur boîtier selon quatre modes distincts :
- le mode Programme, dans lequel l’appareil propose à la fois la vitesse d’obturation et la valeur du diaphragme ;
- le mode Priorité Vitesse, dans lequel le photographe détermine manuellement la vitesse d'obturation à laquelle il veut travailler, l'appareil ajustant alors la valeur du diaphragme pour obtenir une exposition correcte ;
- le mode Priorité Diaphragme, dans lequel le photographe détermine manuellement l’ouverture du diaphragme à laquelle il veut travailler, l’appareil ajustant alors la vitesse d’obturation pour obtenir une exposition correcte ; et
- le mode Manuel, où comme on l’imagine, le photographe doit régler lui-même la vitesse et le diaphragme, l’appareil lui indiquant quand cette combinaison fournit une exposition correcte.
Ces modes font l’objet
d’abréviations différentes selon les marques. Canon utilise des abréviations
qui lui sont propres, Nikon et la quasi-totalité des autres marques utilisent
les standard P pour le mode Programme, S (Speed) pour le mode Priorité
Vitesse, A (Aperture) pour le mode Priorité Ouverture et M pour le mode
Manuel. Les reflex d’entrée de gamme proposent souvent, en plus, d’autres modes
automatisés qui sont censés faciliter la tâche aux débutants mais dont je
déconseille l’utilisation car les résultats qu’ils fournissent sont fréquemment
imprévisibles, et en plus ce n’est pas ainsi qu’on apprend la photographie.
Il faut aussi se rappeler qu’en mode Programme, certains
boîtiers permettent à l’utiliser d’outrepasser (override) les
combinaisons vitesse-diaphragme proposées par défaut, sans changer de mode et
tout en conservant une exposition correcte. Par exemple, si votre boîtier vous
propose, disons 1/500e de seconde à f/5.6, mais que vous souhaitez
isoler votre sujet avec la profondeur de champ la plus courte possible, vous
pouvez imposer à l’appareil, à la volée, une ouverture de f/1.4 (si votre
objectif va jusque là), et le boîtier compensera de lui-même en faisant monter
la vitesse au 1/8000e —tout cela à sensibilité ISO constante, bien
sûr. Le mode Programme n’est donc pas nécessairement un « tout
automatique » : il l’est si vous le voulez, mais il ne l’est plus si
vous choisissez, en connaissance de cause, d’outrepasser le réglage proposé au
départ.
En-dehors de cette particularité, vous choisirez le mode
dans lequel vous travaillerez en fonction de vos besoins, et aussi de vos
habitudes : hormis des photos particulièrement typées pour lesquelles un
mode s’impose à l’évidence de préférence aux autres (par exemple, les
photographes de sport seront, cela va de soi, le plus souvent en mode S), de
nombreux photographes expérimentés apprécient le mode A, dans la mesure où la
gestion de la profondeur de champ, dans laquelle l’ouverture du diaphragme joue
un grand rôle, représente un facteur important de leur processus créatif.
Personnellement, j’apprécie le mode P pour sa versatilité
et son adaptabilité : si l’on s’est mis en mode A, et que brusquement se
présente une opportunité de photo pour laquelle vous avez besoin du mode S, le
temps de porter l’appareil à l’œil, de réaliser que vous n’êtes pas dans le bon
mode, d’en changer et de faire vos réglages… l’opportunité peut avoir disparu.
Alors que, si vous êtes en mode P, une unique action vous permet de décaler
rapidement la combinaison vitesse-diaphragme de départ pour l’adapter à vos
nouvelles conditions de prise de vues, sans devoir changer de mode.
P.S.: comme vous vous en êtes rendu compte, j’ai compris comment vous permettre de voir en un peu plus grand les photos qui illustrent mes articles sur ce blog... Il suffit de cliquer dessus pour que les versions plus grandes s’affichent dans une interface de type «Lightbox».
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