Bien exposer ses photos
Comprendre
les principes de l’exposition photographique
Introduction:
On m’a proposé, suggéré, d’écrire quelques articles de vulgarisation sur la lumière et l’exposition photographique. Vous trouverez le résultat de ce travail ci-dessous. J’ai essayé de rester aussi simple et didactique que possible, bien que je ne sois ni enseignant, ni même formateur... Bonne lecture!
Les règles qui font qu’une photo est bien ou
mal exposée (ou plutôt, qui font que la photo est exposée comme vous le
souhaitez) sont simples. Il s’agit seulement de déterminer quelle quantité
de lumière va venir frapper, soit la pellicule présente dans l’appareil, soit,
de nos jours, le capteur photosensible qui l’a le plus souvent remplacée.
Au repos, la surface du capteur est cachée,
la lumière ne vient pas la frapper.
C’est vrai, il y a
des exceptions : d’abord, tous les petits appareils compacts ou bridge,
qui pour la plupart n’ont pas de viseur optique. La seule manière de cadrer
avant de prendre la photo, c’est de regarder l’écran arrière. Pour que cet
écran montre une image, il faut bien que la lumière frappe le capteur, afin que
la scène saisie par celui-ci soit répercutée sur l’écran et nous montre ce que
nous allons photographier. Ce même principe a d’ailleurs été copié sur les
reflex avec les systèmes dits live view, qui sont disponibles en plus du
viseur optique.
Sur les reflex, ce sont les lamelles
métalliques de l’obturateur qui, comme son nom l’indique, obturent, cachent le
capteur. L’« exposition », c’est donc le fait d’exposer le capteur à la lumière en provoquant
l’ouverture de l’obturateur, puis sa fermeture, plongeant de nouveau le
capteur dans le noir. Au bout de combien de temps ? Cela va dépendre de
plusieurs facteurs :
- l’intensité de la lumière : il est facile de comprendre qu’en plein soleil de midi en été, davantage de lumière viendra frapper le capteur qu’un matin d’hiver par temps couvert ;
- la sensibilité du capteur : de la même manière que, jadis, on pouvait charger son appareil avec une pellicule plus ou moins sensible, la sensibilité du capteur peut être ajustée par l’utilisateur, le gros avantage étant qu’on n’est plus obligé d’attendre la fin de la pellicule avant de modifier ce réglage… ;
- la grosseur du « tube » par lequel va passer la lumière avant d’atteindre le capteur.
Détaillons ces trois variables, ainsi que la
quatrième, le temps de pose, c’est-à-dire le temps pendant lequel l’obturateur
restera ouvert, permettant à la lumière (plus ou moins intense) de venir
frapper le capteur (plus ou moins sensible) en passant par un « tube »
plus ou moins gros.
Lagune de Venise, orage d’été |
L’intensité de la lumière
C’est par excellence la donnée
« naturelle » à laquelle le photographe ne peut pas
grand-chose : il y a du soleil ou il n’y en a pas, des nuages ou pas.
Cependant, s’il y a trop de lumière, on peut la tamiser en utilisant des draps,
des rideaux, en cherchant l’ombre, voire en vissant sur l’objectif des filtres
dits « gris neutres », qui n’ont aucune influence sur les couleurs
mais diminuent simplement l’intensité générale de la lumière, comme si l’on
plaçait un nuage devant le soleil.
Venise, calle del Cristo, sous une lumière...divine! ;o) |
De même, si la lumière est insuffisante, il
est parfois possible de recourir à des éclairages artificiels (au premier rang
desquels le flash) pour pallier le manque… pour autant que le sujet ne soit pas
distant de plus de quelques mètres, faute de quoi le recours au flash est
parfaitement inutile : photographier la tour Eiffel de nuit en
« l’éclairant » avec le petit flash embarqué, ne sert évidemment à
rien du tout. En studio, voire en extérieur, on peut utiliser des flashes plus
puissants, ou encore des sources de lumière continues (projecteurs), pourvu que l'on dispose d’un accès à l’énergie électrique (secteur ou batteries spéciales).
Si l’on part du principe, pour simplifier, que la lumière est présente en quantité suffisante, la seule chose
qu’il est nécessaire de faire à son propos est de la mesurer afin,
justement, de déterminer combien il y en a (le posemètre intégré au boîtier
s’en occupe), puis de la doser afin de n’en admettre à l’intérieur de
l’appareil que la quantité qu’il faut.
Le temps de pose
Le temps de pose est souvent appelé
(improprement) vitesse d’obturation. Les anglophones font la même erreur en
l’appelant shutter speed, d’où le
mode « S » présent sur nos appareils. En fait, cette variable n’a
qu’un rapport indirect avec la vitesse à laquelle l’obturateur s’ouvre et se
ferme, puisque le temps de pose est, en fait, le laps de temps pendant lequel l’obturateur va rester ouvert, permettant donc à la lumière de venir frapper le
capteur. Cette durée est en général exprimée en fractions de seconde :
1/60e de seconde, 1/125e, 1/250e, etc.
Parfois, lorsqu’on fait des photos de nuit ou pour réaliser certains effets
spéciaux, il faut prolonger le temps de pose pendant plusieurs secondes, voire
pendant plusieurs minutes car très peu de lumière vient frapper le
capteur ; on parle alors de photos réalisées « en pose longue ».
Venise, la nuit, bassin de San Marco |
L’effet secondaire indésirable du temps de
pose apparaît quand celui-ci s’allonge : il s’agit du flou de bougé causé
par les légers mouvements involontaires du photographe, voire par sa seule
respiration. Lorsqu’on utilise des temps de pose courts (on dit souvent,
toujours improprement, « des vitesses rapides »), 1/125e
de seconde ou plus courts, l’obturateur reste ouvert trop peu de temps pour que
ces mouvements soient perceptibles sur la photo, mais à 1/30e de
seconde, voire moins, il est prudent d’utiliser un support, monopode ou
trépied, faute de quoi l’image sera « tremblée », manquera de
netteté, voire deviendra franchement floue. De plus, quand on travaille en pose
longue, le long moment pendant lequel le capteur est exposé à la lumière et le
réchauffement qui en résulte peut induire l’apparition de « bruit
numérique », donc on reparlera plus loin à propos de la sensibilité du
capteur.
La sensibilité du capteur
La sensibilité d’un capteur d’appareil-photo
numérique est variable et peut être ajustée, soit automatiquement par
l’appareil lui-même, soit par l’utilisateur. L’intérêt de cet ajustement est
bien sûr de compenser la baisse de la lumière disponible (on augmente alors la
sensibilité du capteur), ou au contraire son accroissement (on diminue la
sensibilité du capteur).
C’est que ce qu’on faisait avec les
pellicules : selon le type de photos qu’on comptait faire, on achetait une
pellicule « lente » ou « rapide », c’est-à-dire plus ou
moins sensible à la lumière. Aujourd’hui, l’électronique embarquée dans le
boîtier permet de modifier la sensibilité du capteur d’une photo à l’autre. Par
convention, cette sensibilité se mesure avec la même unité (l’ISO, acronyme
d’International Standards Organization) que celle dont on se servait (et dont
on se sert encore, bien sûr) pour les pellicules : 100 ISO, 200 ISO, 400
ISO, etc.
Ici, l’effet secondaire dont il faut se
méfier est que, lorsque l’on demande au capteur de monter en sensibilité, la
photo risque de devenir « bruitée », c’est-à-dire de comporter des
parasites visibles sur l’image, tout comme les pellicules ultra-sensibles de
naguère avaient plus de « grain » que leurs collègues moins sensibles.
Toutefois, alors que ce grain était souvent plaisant à regarder, le bruit
numérique l’est beaucoup moins. Il faut dire aussi que les fabricants ont fait
des progrès dans ce domaine, et que l’on peut aujourd’hui, avec la plupart des
reflex, « pousser la sensibilité » jusqu’à 800 ISO, voire bien
davantage, sans provoquer l’apparition d’un bruit numérique trop gênant.
La grosseur du « tube » par lequel passe la lumière
Lorsque l’obturateur s’ouvre, la lumière ne
vient pas frapper directement le capteur : elle passe d’abord à
l’intérieur d’un objectif dont les lentilles vont permettre de la focaliser,
c’est-à-dire, en simplifiant, « d’organiser » tous ces rayons
lumineux afin qu’ils ressortent « en bon ordre » à l’arrière de
l’objectif et viennent alors frapper le capteur d’une manière aussi cohérente
que possible : tout manque d’organisation se traduira par des déformations
de l’image, des franges colorées, l’assombrissement des angles, une perte de
netteté, etc.
En plus de
ses différentes lentilles qui vont ainsi organiser les rayons lumineux,
l’objectif contient un dispositif mécanique, le diaphragme, qui, par un jeu de
lamelles plus ou moins circulaires, aura pour effet principal de faire varier
la quantité de lumière qui sera effectivement autorisée à traverser l’objectif
pour aller frapper le capteur. Comme pour le temps de pose, l’appareil lui-même
peut se charger de régler l’ouverture du diaphragme, mais l’utilisateur peut le
faire aussi, et ce réglage aura bien sûr une influence directe sur l’exposition.
Contrairement au temps de pose qui s’exprime
en fractions de seconde, en secondes, en minutes, bref en unités faciles à
comprendre pour chacun, l’ouverture (ou la fermeture, c’est la même chose) du
diaphragme s’exprime au moyen de chiffres bizarres auxquels on ne comprend pas
grand-chose, et qu’on se contente souvent d’apprendre par cœur en attendant
d’en savoir plus. C’est certainement, de ce point de vue, la donnée
photographique la plus difficile à assimiler pour le néophyte, qui ne peut la
rattacher à aucune réalité : apprendre par cœur sans comprendre pourquoi
est toujours frustrant. Néanmoins, à ce stade, c’est ce que vous allez devoir
faire, sauf si vous avez envie de lire les petits caractères ci-dessous, qui
vous en diront un peu plus.
Sans entrer dans
les détails véritablement très complexes de l’optique, disons que
l’« ouverture » d’un objectif est le rapport entre sa longueur
focale et le diamètre de sa lentille frontale (celle sur laquelle il ne
faut pas poser les doigts de crainte d’y laisser des traces qui dégraderont la
netteté de nos photos). Un objectif est le plus souvent décrit par cette
longueur focale, exprimée en millimètres, et par la valeur maximale de cette
ouverture, c’est-à-dire par le « diamètre du tube » qu’offrira l’objectif
lorsque le diaphragme sera complètement ouvert, ses lamelles complètement
rétractées et n’opposant donc aucun obstacle au passage de la lumière à travers
les lentilles.
Ainsi, un objectif
d’une longueur focale de 200 mm dont la lentille frontale a un diamètre de 50
mm, aura une ouverture maximale de :
50 : 200 = 1/4
Pour simplifier, on
ne retient de la fraction que son dénominateur, et l’on parlera alors d’un
objectif de « 200 mm f/4 » (souvent abrégé en 200/4), le
« f/ » symbolisant par convention le ratio dont la valeur de
diaphragme est le dénominateur comme montré ci-dessus.
Donc, les valeurs principales que peut
prendre l’ouverture du diaphragme d’un objectif sont par exemple les
suivantes : 2.8, 4, 5.6, 8, 11, 16, etc. Ces valeurs sont en général
précédées d’un signe « f/ » : on parle donc d’un objectif
« ouvert à f/4 » ; cela ne veut pas dire que cet objectif sera
ouvert en permanence à son ouverture la plus grande de f/4, cela veut
simplement dire qu’il est capable, si besoin est, d’atteindre cette
valeur maximale. Ces chiffres et nombres un peu barbares résultent de
conventions datant des débuts de la photographie, mais même aujourd’hui, il est
utile de les connaître et de les mémoriser si l’on veut comprendre comment bien
exposer ses photos, nous verrons pourquoi tout à l’heure.
L’effet secondaire à surveiller en matière de
réglage du diaphragme concerne la profondeur de champ. Pour expliquer très
sommairement cette notion, rappelons qu’une photo va traduire en deux
dimensions une réalité tridimensionnelle. Les objets apparaissant sur une
photographie ne sont pas tous à la même distance de l’appareil ; certains
apparaitront nets, alors que d’autres pourront être plus ou moins flous
lorsqu’on regardera la photo. Lesquels seront nets ou flous, et pourquoi,
dépend de plusieurs paramètres dans lesquels on n’entrera pas à ce stade, mais
sachez que l’un de ces paramètres est l’ouverture du diaphragme : plus il
est ouvert (c’est-à-dire plus la valeur de diaphragme est petite, puisque cette
valeur, rappelez-vous, est un dénominateur : 4 signale donc un diaphragme
plus ouvert que 8 car un quart est plus grand qu’un huitième…), plus la zone de
netteté (qu’on appelle « profondeur de champ ») sera courte, et donc
plus il y aura du flou de part et d’autre du sujet sur lequel le point a été
fait.
Venise, Al nono risorto |
La deuxième partie de cet article dans quelques jours.
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