Et puis, il y a tous les cas où nous ne faisons pas
attention, où nous fournissons certaines coordonnées parce qu’on nous affirme
qu’on DOIT le faire, que c’est absolument indispensable à la réalisation du service
qu’on attend (alors que, le plus souvent, c’est simplement plus facile pour la
société qui le rend), et aussi, bien sûr, la grande masse des cas où on ne nous
explique rien du tout, mais où un stupide serveur vocal (pardon pour le
pléonasme) ou un formulaire internet obstiné (bis repetita) ne nous permet tout simplement pas de continuer sans
avoir « renseigné », comme l’on dit, l’information fatidique.
Depuis peut-être une semaine, je vois arriver sur mon cher
iPhone d’étranges SMS : un magasin de vêtements dont je ne suis pas client
m’informe de ses soldes privées ; le concessionnaire de mon ancienne
marque de voiture m’invite à reprendre la vie commune après toutes ces années d’infidélité
(à l’époque, j’avais pourtant un autre numéro de GSM) ; un marchand de
meubles de mon voisinage, qui s’apprête à mettre la clé sous la porte, me
propose de bénéficier de ses prix massacrés…
Cette quasi-concomitance de ces trois messages promotionnels,
arrivés en l’espace de deux ou trois jours, sont le signe indéniable que mon
numéro, mon identité, et mon adresse, ont été vendus par une des sociétés ou
institutions à qui j’ai dû les communiquer récemment. Il n’y en a pas beaucoup
car, alerté sur ce risque, je ne les donne qu’avec parcimonie. Est-ce l’APHP ou
les Hospices Civils de Lyon, avec lesquels j’ai été récemment en rapport pour l’hospitalisation
d’un proche ? Est-ce l’une des compagnies aériennes turques qui m’ont
transporté sur plusieurs vols l’été passé ? Ces deux groupes constituent
mes principaux suspects, mais bien entendu, comme à chaque fois qu’une
information confidentielle est divulguée, il est bien difficile de savoir qui
est coupable, et encore davantage d’en apporter la preuve…
Quand on divulgue des photos d’actrices américaines nues
piratées sur le « cloud », j’ai plutôt tendance à rigoler de leur
indignation : d’abord, elles n’avaient qu’à pas poser nues si elles
voulaient éviter tout risque, et ensuite il faut vraiment qu’elles n’aient pas
grand-chose dans le citron pour accepter que ces photos hautement personnelles
soient stockées sur le « cloud », où comme chacun sait il est si
facile de les pirater !
Donc, selon moi, l’adage Nemo
turpitudinem auditur…, qu’on apprend avec délectation en première année de
droit, s’applique ici à merveille : les neuneus l’étaient déjà à l’époque
des Romains (et aussi bien avant), et c’est là un domaine dans lequel l’homo soi-disant sapiens n’a fait strictement aucun progrès depuis plus de deux
millénaires ; il aurait même plutôt régressé. En revanche, lorsqu’on
communique un numéro de GSM en pleine connaissance de cause, parce que c’est
indispensable pour servir une fin plus haute et/ou plus urgente, et lorsqu’on
fait confiance —même implicitement— aux tiers concernés pour prendre soin de
vos données personnelles en n’imaginant pas qu’ils iront les revendre aux data brokers pour quelques sous, eh bien
il est particulièrement agaçant de se retrouver victime, non pas de sa propre
stupidité, car alors on ne pourrait s’en prendre qu’à soi-même, mais de l’âpreté
au gain et de l’absence de morale du tiers, en apparence respectable, avec
lequel on a traité.
Si le marketing ciblé qui va s’ensuivre se limite à un ou
deux SMS par semaine, ça pourra encore aller, même si dans le principe, c’est inadmissible.
Heureusement que les photos de moi nu sont en sécurité !
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