La crise, paraît-il, est partout. Les gens sont inquiets pour l’avenir. Le chômage gagne, la pauvreté touche maintenant les classes moyennes, et même des personnes disposant d’un salaire régulier sont obligées de coucher dans leur voiture faute de pouvoir se payer un logement...
Je ne doute pas, évidemment, que tout cela soit vrai. Néanmoins, je voudrais aussi souligner quelques évidences que chacun peut constater par soi-même.
La crise est partout, mais les restaurants sont pleins. Au pied de l'immeuble qu’habite ma mère, dans l’est parisien (pas dans le XVIe, donc), se trouve une pizzeria pas franchement bas de gamme, puisqu’on en a facilement pour 70 euros à deux. Eh bien, non seulement cette pizzeria affiche complet tous les soirs, y compris en semaine, mais encore son propriétaire a-t-il racheté successivement deux locaux commerciaux voisins (anciennement occupés par une galerie de tableaux et un établissement de crédit) pour agrandir la salle de son restaurant! Et il y a encore, bien souvent, la queue à l’extérieur... Or, on y mange correctement, c’est certain, mais enfin, quoi, ce n’est jamais qu’une pizzzeria comme tant d’autres!
La crise est partout, mais on voit sur la route un nombre impressionnant de voitures flambant neuves, et personnellement je ne fais pas le moindre trajet domicile-bureau sans croiser plusieurs derniers modèles de haut de gamme fabriqués outre-Rhin... et à en juger par l’enthousiasme avec lequel leurs conducteurs sollicitent l'accélérateur, l’addition à payer à la pompe n’a pas l’air de leur causer beaucoup d’anxiété. La consommation de carburant a, paraît-il, diminué en mars, pourtant je constate toujours, autour de Lyon, la même densité d’embouteillages, preuve que, lorsque je me rends à mon travail le matin, beaucoup de gens font la même chose —et, partant, ont donc un emploi.
La crise est partout mais, pour une simple petite intervention sur ma voiture, mon garage (pas situé dans une zone à hauts revenus) me fait attendre presque deux semaines, en affirmant qu’il ne sait plus où donner de la tête tellement il a de travail... Or, comme chacun le sait, les tarifs de la réparation automobile ont énormément augmenté ces dernières années (ils auraient tort de s’en priver, apparemment), et de plus nous ne sommes même pas encore à la veille des vacances d’été! Quant aux plombiers, vous savez ce qu’il en est.
La crise est partout mais, lorsque Nikon sort un nouveau boîtier à 3.000 dollars (ou 3.000 euros, oublions la peccadille selon laquelle l'euro vaut 30% de plus que le dollar...), les commandes sont tellement nombreuses qu’elles dépassent totalement les prévisions industrielles du fabricant, causant une pénurie au niveau mondial...
La crise est partout mais, lorsque j’essaie de réserver un hôtel pour passer quelques jours cet été à Rome ou au bord du lac de Côme (les prix là-bas sont absolument hallucinants!), j’ai toutes les peines du monde pour trouver un hôtel de bon standing qui ait encore de la place... et nous sommes mi-avril, quatre mois à l’avance...
La crise est partout mais tout récemment, une jeunette de vingt et quelques années, fraîche émoulue de l'université à qui on proposait un stage (bien rémunéré!) de six mois, l’a refusé en nous faisant remarquer que venir jusqu’à notre campus (par un bus direct depuis le centre ville, sans le moindre arrêt) allait lui prendre une demi-heure, et que c’était trop loin... Pauvre bichette qui a encore beaucoup à apprendre de la vie —mais il y a là, une fois encore, des parents qui n’ont pas fait leur métier!
La crise est partout et tous les commerçants se plaignent... mais leurs heures d’ouverture demeurent imperturbables, et leurs congés aussi. Certes, ils courent éperdument après les rares clients, mais enfin, disons, ils courent à une allure raisonnable... Ce que l’on comprend, d'ailleurs, quand on a le malheur d'aller au centre commercial de la Part-Dieu un samedi après-midi, en se disant qu'avec la crise, justement, il n’y aura sans doute pas trop d'affluence... Eh bien, (très) mauvais calcul! Et si c’est ainsi à Lyon, j’imagine commen ce doit être à Paris.
Tout ce que je constate et que je rappelle ci-dessus, chacun peut également le constater. Certes, les situation difficiles, voire dramatiques existent, il serait absurde de le nier. Mais il me semble aussi que l’on exagère grandement, en tous cas à ce jour, la situation, et ça, finalement, c'est plutôt une bonne nouvelle.
vendredi 20 avril 2012
mardi 17 avril 2012
Jouer avec la profondeur de champ
Photographier, c’est, entre autres, représenter sur un support plat, à deux dimensions, une réalité en trois dimensions: longueur, largeur, mais aussi profondeur.
La «profondeur de champ», c’est le nom du concept, de l’outil qui nous aide à matérialiser sur une photo la «vraie profondeur», celle que l’on perçoit à chaque instant dans le monde réel. Comme une photo n’a pas de profondeur, elle va simuler, ou reproduire, cette profondeur en termes de netteté. Par exemple, le sujet principal au premier plan, sur lequel on a fait le point, sera net ou perçu comme tel par notre œil; et le tableau accroché sur le mur du fond de la pièce, derrière notre sujet, sera, lui partiellement flou. Cette différence de netteté permettra à notre cerveau, lorsque notre œil regardera la photo, d’interpréter le tableau comme se trouvant à une certaine distance derrière le sujet principal, alors qu’objectivement, tableau et sujet principal sont tous sur le même plan, celui du papier-photo ou de l’écran sur lequel la photo est reproduite ou affichée.
Entre le sujet principal bien net, et l'arrière-plan très flou, peuvent se trouver d'autres éléments intermédiaires qui seront perçus comme «quasiment nets» ou comme «presque aussi flous que le tableau»: notre cerveau, là encore, pourra attribuer une gradation dans les distances respectives séparant les différents plans présents sur la photo, en fonction de leur degré de «floutage». Selon que beaucoup d'éléments sur la photo seront nets ou pas, on dira que la profondeur de champ est longue (quand tout est net) ou courte (quand peu d’éléments sont nets).
La capacité d'un appareil-photo a différencier le sujet principal bien net de l'arrière-plan bien flou (il peut exister aussi des flous d’avant-plan, bien sûr) dépend, mais pour partie seulement, de ce que décide le photographe. En effet, pour des raisons optiques, un facteur important dans la production d'un flou quantitativement important et qualitativement harmonieux à l’œil, est la taille du support sur lequel se forme l’image, c’est-à-dire, de nos jours, le capteur photosensible. Les petits capteurs présents dans les appareils compacts ou les bridges permettent rarement de produire un flou marqué, quels que soient par ailleurs les efforts du photographe; avec eux, «tout est net» (c’est souvent un argument de vente!) et l’on n’y peut pas grand-chose.
En revanche, avec les reflex et leurs capteurs plus grands, le photographe a la possibilité de réaliser de jolis flous, surtout que les reflex permettent également d'utiliser des objectifs, non seulement de longue focale et à grande ouverture, deux qualités essentielles pour bien détacher le sujet principal du fond, mais encore des objectifs dont la formule optique a été spécialement optimisée pour produire de jolis flous. Dans le principe, la recette pour y parvenir est simple:
- Utilisez un objectif de la plus grande longueur focale possible ou, si vous utilisez un zoom, réglez-le sur cette plus grande longueur possible;
- Utilisez votre objectif à sa plus grande ouverture possible;
- Placez votre sujet principal, celui sur lequel vous allez faire le point, aussi près que possible de l'appareil; et
- Placez votre sujet principal devant un fond aussi distant que possible, et comportant le moins de détails possible.
Et voilà!
Quelques exemples:
Cette photo, prise avec un téléobjectif de 400mm à pleine ouverture (f/4), a permis de bien détacher le sujet (le bateau et ses membres d’équipage) du fond (la côte). |
Le flou dans une photo est souvent appelé (en particulier par nos amis anglo-saxons) bokeh, mot japonais synonyme de flou. En soi, le terme bokeh n’implique aucun jugement esthétique puisqu’il est nécessaire de lui adjoindre des qualificatifs ou des descriptifs tels que «un joli bokeh», «un bokeh harmonieux, crémeux, velouté», etc.
Savoir produire et mettre à profit un joli flou est l’un des outils essentiels à la disposition du photographe. Pour un objectif donné monté sur un boîtier donné, le premier critère favorisant la production d'un flou (que l’on espère harmonieux) est l’ouverture du diaphragme: plus elle sera grande, plus la profondeur de champ sera courte, et plus le flou sera prononcé. Se rapprocher du sujet, et éviter qu'il ne soit devant un arrière-plan trop rapproché ou trop texturé, faciliteront également les choses.
Pour finir, rappelons-nous qu'il n'est pas toujours souhaitable d’avoir du flou: parfois, au contraire, il importe que «tout soit net» —ou semble l’être:
Reflets dans le port d’Antibes: l’eau au premier plan, comme le bateau au second, | doivent être nets. |
... Et il y a aussi des situations où l’on doit savoir doser le flou (un peu, mais pas trop) pour produire l'effet souhaité:
Arsenal de Venise. |
Et maintenant, à vous de jouer!
jeudi 12 avril 2012
Da Vinci Code : plaisir, rage et fatalisme
Puisqu’il n’est pas
question que de photo sur ce blog, laissez-moi vous dire que j’ai récemment
relu le Da Vinci Code, de Dan Brown, qui fit tant parler de lui (ainsi
que le film —médiocre— qui en fut tiré) au cours de la décennie précédente.
Je l’ai relu avec plaisir,
avec rage et avec un fatalisme amusé.
Plaisir parce que, avant
tout, l’intrigue est bien conçue. Toutes les œuvres de fiction qui utilisent
les ressorts des plus grands mystères de l’humanité stimulent notre imagination
et nous font facilement rêver ; les mystères relatifs à l’existence d’un
ou de plusieurs dieux en font partie, et si certaines intrigues mystérieuses
que l’on pourrait peut-être construire à partir de la Torah, du Coran ou des
textes bouddhiques ou taoïstes nous seraient évidemment plus absconses (il est
curieux, d’ailleurs, qu’il n’y en ait pas, ou qu’on n’en ait pas entendu parler
en Occident…), celles qui prennent le christianisme pour argument nous sont
évidemment bien plus familières, que nous soyons croyants ou non. Dans le même
genre, souvenez-vous comme l’intrigue d’Indiana Jones et la dernière
Croisade fonctionnait bien : tout ce qui touche au mythe du Graal nous
sollicite fortement, car c’est sans doute le chemin le plus connu par lequel
l’homme pourrait espérer entrer en contact avec le divin supposé. Autant une
description détaillée du Paradis céleste nous émouvra peu, puisque nous n’avons
aucun espoir de pouvoir un jour l’expérimenter et en parler ensuite car nous ne
pourrons y accéder, pour autant qu’il existe, qu’après notre mort, autant une
description de la vie du Christ, qui a très probablement existé sur Terre, mais
surtout une description de celles et ceux qui l’ont entouré, et de ses/leurs
éventuels descendants, nous semble beaucoup plus palpable, tangible, surtout
lorsqu’on ajoute, par exemple, que cette même descendance aurait pu se serait
perpétuée jusqu’à nos jours.
Bref, tout ce qui offre
une possibilité raisonnable de nous mettre en contact plus ou moins direct avec
le divin avéré ou supposé, est un excellent argument de base pour une œuvre de
fiction, avec ce risque omniprésent que l’intrigue parte trop fort ou monte
trop haut, et que le dénouement, par contraste, apparaisse faiblard et
tristement matériel, dépourvu du merveilleux qui nimbait l’intrigue à son
début.
À cet égard, l’intrigue du
Da Vinci Code ne déçoit pas, et c’est assez remarquable pour être
souligné. Il y avait à la fin d’Indiana Jones et la dernière Croisade
(film construit sur le même thème) une forme de déception, de letdown,
de « tout ça pour ça ? », que j’ai ressentie aussi à la lecture
du Miserere de Jean-Christophe Grangé (qui fonctionne sur un autre
registre, mais lui aussi en lien avec le divin mystérieux). Pas de cela chez
Dan Brown, qui parvient à donner à son dénouement une teinture de merveilleux
qui ne déçoit pas, de même qu’avait pu le faire un autre romancier américain,
Richard Ben Sapir, dans un merveilleux livre, Quest, passé totalement
inaperçu lors de sa publication en 1987 et qui aurait sans doute fait un
formidable film d’aventures si le décès de l’auteur, la même année, suivi de
problèmes de succession, n’avait pas tué dans l’œuf tout projet de ce genre.
Un autre roman du même Ben
Sapir, The Body, illustre d’ailleurs parfaitement ce concept d’une
(trop) passionnante idée de départ qu’on ne parvient pas à mener à terme.
Jugez-en : lors de travaux de construction à Jérusalem, les terrassiers
mettent à jour une tombe antique, phénomène courant dans cette ville, mais qui
entraîne forcément l’intervention des pouvoirs publics. Enquête préliminaire
faite, une série de constatations scientifiques troublantes laisse à penser que
cette tombe pourrait celle… du Christ. Problème : le corps du défunt
(supposé ressusciter et monté aux cieux, rappelons-le pour ceux qui n’auraient
pas suivi) est toujours à l’intérieur…! On imagine quelles perspectives
passionnantes s’ouvrent dès lors pour le romancier… La suite ne tenait,
hélas ! pas les promesses du début, et quant au film qui, cette fois, fut
effectivement tiré du roman en 2011 avec Antonio Banderas, il était
rigoureusement insipide, un nanar total.
Mais revenons au Da
Vinci Code. L’intrigue, on l’a dit, est excellente. C’est plutôt bien
écrit, en tous cas la version originale, car la traduction française est dans
une langue beaucoup plus médiocre. Tout cela participe au plaisir de la
relecture, presque dix ans après.
La rage, elle, provient,
comme elle provenait déjà il y a dix ans, d’une accumulation de détails
approximatifs, stupides, franchement erronés, et qu’il aurait pourtant été si
facile d’éviter.
Ce genre de roman, même
s’il part d’un argument appartenant au merveilleux (je dirais même : surtout
s’il part d’un tel argument), doit se montrer d’une authenticité matérielle
sans faille (enfin, autant que possible), afin d’ancrer dans une réalité
tangible et vérifiable (bref : crédible) ses développements imaginaires
forcément assez osés. En résumé, pour qu’on y croie, pour mettre fin au
scepticisme initial du lecteur (ce que nos amis anglo-saxons appellent suspension
of disbelief), le roman doit être irréprochable dans tout ce qu’il a de
matériel et que le lecteur peut vérifier par lui-même. Or, c’est bien dans ce
domaine que le Da Vinci Code pèche gravement —au contraire, par exemple,
des Harry Potter qui, en dépit de leur prémisse totalement
fantasmagorique, déploient une remarquable cohérence interne.
Je donnerai quelques
exemples, parmi les plus criants.
Qui peut croire que les
quatre personnes à la tête d’une organisation secrète aussi sécurisée que le
Prieuré de Sion, détentrice du secret du Graal, vivent toutes les quatre dans
la même ville (Paris), de telle sorte qu’il est commode de les assassiner tous
en l’espace de quelques heures ? Même en oubliant l’assassin brownesque, ces
quatre personnes, seules détentrices du secret, n’auraient-elles pas été à la
merci du même cataclysme ou du même attentat terroriste, vivant toutes dans un
espace de quelques kilomètres carrés ? Même à supposer que ces personnes
soient toutes françaises, ce qui semble peu probable pour une organisation dont
on nous montre par ailleurs le passé très cosmopolite, n’était-il pas de la
plus élémentaire prudence qu’elles résident à plusieurs centaines de kilomètres
l’une de l’autre, voire même dans des pays différents ?
Qui, ayant même brièvement
visité Paris, peut croire que les voitures (fussent-elles de police) circulent
au milieu du jardin des Tuileries, à l’exception bien entendu du passage du
Carrousel ? Qui peut imaginer que Dan Brown n’ait pas été capable de
décrire le véritable parcours urbain qui conduit de l’hôtel Ritz, place
Vendôme, au musée du Louvre, ce dont n’importe quel lecteur, s’amusant à
retracer cet itinéraire sur Google Maps, s’apercevra forcément ? Pourquoi
faire l’insigne bêtise de placer la rue Haxo à côté du du stade Roland-Garros,
alors qu’elle est à Belleville, à l’autre bout de Paris ? Pourquoi de
telles incohérences géographiques élémentaires et si faciles à constater, sans
parler de celles, sans doute plus nécessaires au développement de l’intrigue,
concernant l’intérieur du musée du Louvre lui-même ? Dan Brown nous
abreuve de détails sur le parquet soi-disant mythique de la Grande Galerie,
puis nous démontre de manière criante que, loin de s’être donné le mal (le
plaisir ?) de venir à Paris en repérage, il n’a même pas pris la peine de
se procurer un plan de la ville. Certaines des erreurs les plus flagrantes ont
d’ailleurs été fort à-propos expurgées de la traduction française…
Je passe sur le fait qu’un
simple capitaine (répondant à l’improbable patronyme de Bézu Fache !)
puisse être le patron de la police judiciaire et, bien sûr, sur les nombreuses
autres approximations, erreurs factuelles et invraisemblances qui parsèment le
livre et qui ont déjà été relevées des milliers de fois. Ce qui est
véritablement rageant, c’est que dans leur immense majorité, elles auraient pu
être évitées sans aucun dommage pour le déroulement de l’histoire, qui y aurait
notablement gagné en termes de crédibilité.
Voilà donc pour la rage.
Le fatalisme amusé, quant à lui, provient du fait que, finalement, toute
l’histoire du Da Vinci Code est fondée sur l’existence de cette
mystérieuse société secrète, le Prieuré de Sion, prétendument fondée au XIe
siècle, et dont Dan Brown nous affirme, au début du livre, qu’elle existe
réellement.
Le Da Vinci Code a
été publié en 2003. Or, début 2000, décéda un certain Pierre Plantard,
affabulateur et mythomane, qui avait créé le Prieuré de Sion en 1956 (c’est
plus prosaïque que 1099 !) pour défendre les droits de locataires de HLM
de la région d’Annemasse, ville de Savoie proche de laquelle se trouve une
« colline de Sion ». Je disais « prosaïque » ? Le
Plantard en question, interrogé dans le cadre d’une instruction judiciaire par
le juge Jean-Pierre, avait reconnu plusieurs années auparavant que toute
l’histoire du Prieuré de Sion était une affabulation, un canular créé de toutes
pièces par lui-même et quelques acolytes dans le but de se faire reconnaître,
lui, Plantard, comme descendant des Mérovingiens et, par eux, de Jésus-Christ
et de Marie-Madeleine… Excusez du peu, passons.
Ce canular, plutôt bien
conçu pour quelqu’un d’une ampleur intellectuelle apparemment assez limitée
(tel que le Pierre Plantard en question), abusa suffisamment trois Anglais,
dans les années 1980, pour qu’ils construisent, pour l’essentiel (mais pas
seulement) sur cette base, un grand succès de librairie avec leur livre Holy
Blood, Holy Grail, que j’avais à l’époque lu avec un intérêt teinté de
scepticisme. C’est de ce même livre que Dan Brown s’était très largement
inspiré (y compris en référençant ses auteurs dans le Da Vinci Code au
travers d’anagrammes de leurs patronymes), à telle enseigne que lesdits Anglais
lui firent un procès, qu’ils perdirent d’ailleurs. Il faut dire qu’ils n’avaient
rien… à perdre, justement.
Mais ce qui me semble important,
c’est de souligner que si, à l’extrême rigueur, le canular du Prieuré de Sion
avait pu abuser nos amis d’outre-Manche dans les années 1980, un auteur de
fiction conduisant des recherches sérieuses en vue d’un prochain roman au début
des années 2000, ne pouvait pas, ne devait pas, lui, se laisser abuser de la
même manière, dans la mesure où cela faisait déjà plusieurs années que la
supercherie de Plantard avait été dévoilée au grand jour via l’instruction du
juge Jean-Pierre, et soulignée une fois encore à l’occasion du récent décès de
l’auteur du canular lui-même !
Comment Dan Brown, qui
professe des prétentions certaines quant à la qualité de son travail, a-t-il pu
écrire son plus grand succès à ce jour sur des prémisses aussi évidemment trompeuses,
et comment autant de lecteurs (et de journalistes !) ont-ils pu tomber
dans le panneau sans relever l’énorme supercherie qui est à l’origine même de
l’histoire, et sans laquelle cette histoire n’existerait pas ?
Parfois, la crédulité
humaine me laisse pantois.
J’ai dit que l’intrigue du
Da Vinci Code était bien conçue et fort ingénieuse. Puisqu’elle
n’appartient pas à Dan Brown, qui a tout puisé dans le livre des Anglais
Lincoln, Baigent et Leigh, et puisqu’eux-mêmes s’étaient très largement
inspirés du canular de Sion, ce qui m’intéresserait, c’est de savoir qui a
échafaudé ce canular, car c’est lui qui, en définitive, a apporté la véritable
valeur ajoutée romanesque à l’affaire (je ne crois pas un instant que Plantard
ait été cette personne, il a simplement servi de « façade »), certes
à partir de nombreuses légendes éparses, Joseph d’Arimathie, Marie-Madeleine,
les Cathares, etc., mais en y apportant malgré tout un ciment de vraisemblance et
d’unité créative qui a permis que le canular de Sion perdure pendant plusieurs
décennies, et abuse des milliers de personnes en dépit des quelques ouvrages
qui avaient tenté, sans succès, de le démonter.
Libellés :
affabulation,
canular,
christ,
code,
critique littéraire,
da vinci,
da vinci code,
dan brown,
graal,
marie madeleine,
mensonge,
plantard,
prieuré,
prieuré de sion,
roman,
saint graal,
sion,
vraisemblance
samedi 7 avril 2012
Vignetage ou… vignettage ?
Le vignettage, c’est
ce phénomène optique qui, dans certains cas, provoque dans les angles un
assombrissement de l’image. Cet assombrissement provient du fait que les
lentilles circulaires de l’objectif doivent s’accommoder de formats de photos
rectangulaires ou carrés, mais en tous cas présentant des angles droits pour
lesquels un recouvrement suffisant n’est pas toujours prévu ni possible (c’est
le fameux problème de la quadrature du cercle !). Lorsque la formule
optique n’a pas été assez bien calculée, ou lorsque combattre ce défaut renchérirait
trop le coût de l’objectif, ou encore lorsque le vignettage résulte d’un
compromis rendu nécessaire pour traiter d’autres défauts que les ingénieurs
opticiens doivent aussi combattre (manque de piqué, distorsion, aberrations
chromatiques), cet assombrissement apparaît.
De nos jours, il
semble que les opticiens aient davantage tendance à « laisser passer »
ce défaut qui est assez facile à corriger informatiquement, au besoin par le
boîtier lui-même, directement à la prise de vue. Sinon, il peut également être
corrigé, ou au moins atténué, dans les logiciels de traitement d’image : par
exemple dans Photoshop, menu Filter, article Lens Correction, puis onglet
Custom qui donne accès aux deux curseurs Vignette.
« Vignette »,
disais-je… Eh oui, il s’agit là d’un emprunt fait au français, et bien sûr, ce
mot nous renvoie tout de suite à l’idée de « vigne ». À juste titre, puisqu’à
l’origine, une « vignette » était un petit texte, ou un motif
graphique (dessin ou autre) de petite taille, tel qu’on aurait pu l’imaginer
tenir sur une feuille de vigne. Les vignettes se sont répandues, notamment aux
XVIIIe et XIXe siècles, comme motifs ornementaux dans les
angles des pages des livres ou des gazettes, ou comme bordures décoratives,
notamment sur les pages de titre ou de début ou fin de chapitre.
Les vignettes
ont ensuite été utilisées aux débuts du cinéma pour fournir à certaines scènes des
« encadrés » décoratifs ou des légendes explicatives (du genre « Pendant
ce temps-là, au vieux château… »).
Donc, venant
étymologiquement de « vignette », il était logique —et même
inévitable— que le phénomène optique provoquant un certain obscurcissement des
coins de l’image, ressemblant donc à une vignette, s’écrive « vignettage »,
puisque vignette prend deux « t ».
Or, depuis
quelques années, plusieurs magazines photo ont pris la déplorable habitude d’écrire
« vignetage », comme si ce mot était dérivé de « vigne » et
non de « vignette » !
C’est évidemment
une erreur grossière, et notons au passage que nos amis anglo-saxons, eux,
écrivent toujours « vignetting » avec les deux « t » qui s’imposent.
Le français, il est vrai, est de nos jours copieusement écorché par de plus en
plus de gens mais ceux qui, comme moi, professent un certain respect pour leur propre
langue, et particulièrement ceux qui écrivent et publient chaque mois,
devraient s’attacher à ne pas populariser et, partant, à accréditer, des orthographes
inexactes.
vendredi 6 avril 2012
Le lac
Les lacs, vastes étendues planes et calmes, jouent facilement les miroirs et permettent des effets de contraste intéressants, soit qu'on s'en serve pour refléter leurs abords, soit qu'on utilise leur planéité pour suggérer la vastitude, voire l’infini. Un lac produit cet effet plus facilement que la surface, toujours un peu agitée, de la mer qui requiert la pose longue (pas toujours facile à mettre en pratique, j'y reviendrai) pour procurer une sensation visuelle du même ordre.
La première photo ci-dessous représente le lac d’Annecy sous une jolie lumière de matin d’hiver, et quant à la seconde, c’est tout simplement le lac de Genève dont j’ai tenté d’estomper la présence au loin en ouvrant au maximum (f/1.4) un petit téléobjectif de 85 mm.
La première photo ci-dessous représente le lac d’Annecy sous une jolie lumière de matin d’hiver, et quant à la seconde, c’est tout simplement le lac de Genève dont j’ai tenté d’estomper la présence au loin en ouvrant au maximum (f/1.4) un petit téléobjectif de 85 mm.
Lac d’Annecy, matin d’hiver |
Genève, un banc au bord du lac |
Inscription à :
Articles (Atom)