mercredi 21 mars 2012

Bien exposer ses photos, 2e partie

Comprendre les principes de l’exposition photographique



Avec tous ces éléments, comment « construire » une exposition ?

Vous l’avez compris, tous ces éléments (temps de pose, sensibilité du capteur, ouverture plus ou moins grande du diaphragme) ne servent qu’à une chose : moduler la quantité de lumière qui va aller frapper le capteur : ou bien on laisse entrer moins de lumière, ou bien davantage ; ou bien on en laisse entrer la même quantité, mais pendant moins longtemps, ou pendant plus longtemps. Plus il y aura de lumière frappant le capteur, plus la photo sera claire… et, s’il en vient trop, surexposée, c’est-à-dire totalement blanche par endroits (ou en totalité !). S’il n’en vient pas assez, au contraire, la photo sera sombre, sous-exposée.

Reste donc à comprendre comment doser cette quantité de lumière existante, afin qu’il n’y en ait ni trop, ni pas assez qui atteigne le capteur.

L’on prendra ici pour hypothèse, pour simplifier les choses, que la sensibilité du capteur reste fixée à sa valeur de base (en général 100 ou 200 ISO), et qu’on n’a pas envie d’en changer car c’est à cette valeur que le capteur délivre ses meilleures performances.

Reste donc à agir sur le temps de pose, le diaphragme ou, le plus souvent, les deux.

C’est ici qu’il faut comprendre quelque chose de fondamental : non seulement le temps de pose et le diaphragme sont liés (si l’on décide de raccourcir « un peu » le temps de pose, on peut ouvrir un peu plus le diaphragme pour compenser), mais en plus ils sont liés par un lien arithmétique qui va nous permettre de transformer notre approximatif « un peu » en une équivalence parfaitement exacte.

Pour commencer, apprenons qu’il existe en photographie des temps de pose « standard » qui existent depuis des décennies. Ces temps de pose sont les suivants :

1 seconde
1/125e
½ seconde
1/250e
¼ seconde
1/500e
1/8e seconde
1/1000e
1/15e seconde
1/2000e
1/30e seconde
1/4000e
1/60e seconde
1/8000e

Bien sûr, on peut prolonger la série au-delà d’une seconde selon le même principe : 2 secondes, 4 secondes, etc. Bien sûr aussi, toutes ces vitesses n’ont pas existé dès le début de la photographie : pendant longtemps, les appareils les plus perfectionnés se sont arrêtés au 1/1000e seconde, et encore cette vitesse n’a-t-elle commencé à apparaître que vers le milieu du XXe siècle. Les temps de pose plus courts sont apparus lorsque les obturateurs, jadis composés de rideaux en toile noire, se sont mis à utiliser des matériaux modernes comme le titane, autorisant des vitesses d’ouverture et de fermeture beaucoup plus élevées. Il n’existe toutefois pas aujourd’hui de demande pour aller au-delà du 1/8000e seconde en photographie générale, bien que des appareils spécialisés en soient capables, notamment pour des applications scientifiques.

Ces valeurs sont logiques et faciles à mémoriser, puisqu’à chaque fois on divise ou on multiplie par deux le temps de pose pour passer de l’une à l’autre : si on ouvre l’obturateur pendant 1/500e de seconde, on comprend facilement qu’il entrera deux fois moins de lumière que si on le laisse ouvert pendant 1/250e. Aujourd’hui, les appareils numériques nous proposent des valeurs interpolées entre ces valeurs principales, mais ce sont de ces dernières dont il faut avant tout se souvenir. On les appelle souvent des « valeurs pleines ».

De la même manière, il existe (cette fois, depuis les origines de la photographie ou presque) des « valeurs pleines » pour décrire les différentes ouvertures que peut prendre le diaphragme, et celles-là aussi, il va falloir les mémoriser, mais ce sera plus difficile car, comme on l’a vu, ces valeurs pleines correspondent à des nombres sans lien perceptible avec la réalité.

Les objectifs dotés d’une très grande ouverture ouvrent en général à f/1.4, parfois à f/1.2. Certaines prouesses optiques, plus prestigieuses (et coûteuses !) que véritablement exploitables, conduisent à des ouvertures de f/0.95, ce qui signifie, pour un objectif de 50 mm de longueur focale, que la lentille frontale mesure un peu plus de 50 mm de diamètre… Sans aller jusqu’à de tels extrêmes, si l’on part de l’ouverture, déjà très grande, de f/1.4, alors les « valeurs pleines » qu’il faut mémoriser sont les suivantes :

1.4
8
2
11
2.8
16
4
22
5.6
32

Pourquoi faut-il mémoriser ces valeurs-là, et pas d’autres ? Parce que, de n’importe laquelle de ces valeurs pleines à la suivante, on multiplie ou l’on divise par deux la quantité de lumière admise à travers l’objectif…! L’on fait donc exactement la même chose quand on passe de f/5.6 à f/4 que quand on passe de 1/500e à 1/250e de seconde : on double la quantité de lumière qui va aller frapper le capteur… même s’il est beaucoup moins facile de « visualiser » intellectuellement un doublement (ou une division par deux, selon le sens dans lequel on va) entre 4 et 5.6… On le comprendrait mieux si l’on parlait de 4 et de 8, mais hélas ! l’optique est ainsi faite et n’est, en ce domaine, pas intuitive. L’on ne peut que mémoriser.

Quel est l’intérêt de tout cela ? Tout simplement de comprendre que le réglage du temps de pose et le réglage du diaphragme sont, quand on prend garde de rester sur des « valeurs pleines », exactement interchangeables en termes de quantité de lumière : si le posemètre de l’appareil, mesurant la lumière existante, nous dit que la photo sera bien exposée au 1/500e de seconde à f/8, et que nous souhaitons, pour une raison ou pour une autre, adopter un temps de pose plus court, par exemple 1/2000e de seconde, qu’allons-nous devoir faire ?

¨       nous avons raccourci le temps de pose de deux valeurs pleines, passant du 1/500e au 1/1000e, puis au 1/2000: nous avons donc diminué potentiellement la quantité de lumière qui va frapper le capteur par 2 × 2 = 4 ;

¨       pour compenser, nous devons donc ouvrir le diaphragme de deux valeurs pleines, passant de f/8 à f/5.6, puis à f/4.

Nous retrouverons ainsi une exposition correcte : la « fenêtre » sera ouverte moins longtemps, mais nous agrandissons le diamètre du tube, et donc son « débit », ce qui fait qu’en définitive, la même quantité de lumière entre.

Comme on l’a vu, les boîtiers modernes proposent des valeurs intermédiaires entre deux valeurs pleines. C’est vrai pour les temps de pose, c’est vrai aussi pour les ouvertures. Et bien entendu, les équivalences sont également applicables entre ces valeurs intermédiaires.
Par exemple, si votre boîtier est réglé pour vous proposer deux valeurs intermédiaires entre chaque valeur pleine des temps de pose (entre 1/500e et 1/1000e, il vous proposera par exemple 1/640e et 1/800e), choisir la « valeur pleine + 1 » à partir de 1/500e (1/640e, donc) correspondra à choisir cette même « valeur pleine + 1 » dans les ouvertures, soit par exemple f/6.3 si votre valeur pleine de départ est f/5.6 et que votre boîtier vous propose les deux valeurs intermédiaires f/6.3 et f/7.1 entre f/5.6 et f/8.
Mais pour simplifier, je vous conseille de ne mémoriser pour commencer que les « valeurs pleines » du diaphragme, c’est déjà assez compliqué comme cela.

Nous savons donc maintenant qu’il y a une relation arithmétique entre les temps de pose et les ouvertures du diaphragme : on peut baisser les uns et monter les autres du même nombre de valeurs, et l’on aura toujours la même quantité de lumière allant frapper le capteur : soit par un tuyau plus grand mais pendant moins longtemps, soit pendant plus longtemps mais par un tuyau plus petit.



Pourquoi faire varier le temps de pose plutôt que l’ouverture ?

Si les deux choses : temps de pose et ouverture, produisent un résultat équivalent, et se compensent l’une l’autre, pourquoi choisir d’ajuster un paramètre plutôt que l’autre ? La réponse est simple et sera dictée par les circonstances dans lesquelles va se placer la photo concernée : si c’est une photo d’action, de sport, bref si le sujet est animé d’un mouvement rapide, on privilégiera souvent un temps de pose court, afin de figer l’action.

Si l’on fait le portrait d’un sujet immobile, il n’est pas important de travailler avec une vitesse d’obturation rapide, mais il pourra être important d’utiliser une grande ouverture de diaphragme afin de bénéficier d’une courte profondeur de champ qui procurera un joli flou d’arrière-plan, tout en conservant une mise au point bien nette sur le sujet. Et si l’on photographie un paysage avec, au premier plan, des feuillages en mouvement sous l’effet de la brise, on choisira un diaphragme bien fermé pour avoir une grande profondeur de champ, augmentant donc le temps de pose, mais ne l’augmentant quand même pas au point que les feuillages agités par la brise deviennent flous… à moins que ce soit précisément l’effet que l’on recherche !



Quel « mode-programme » choisir ?

De nombreux appareils numériques modernes un peu sophistiqués (et en tous cas tous les reflex) permettent à l’utilisateur de faire fonctionner leur boîtier selon quatre modes distincts :

  • le mode Programme, dans lequel l’appareil propose à la fois la vitesse d’obturation et la valeur du diaphragme ;
  • le mode Priorité Vitesse, dans lequel le photographe détermine manuellement la vitesse d'obturation à laquelle il veut travailler, l'appareil ajustant alors la valeur du diaphragme pour obtenir une exposition correcte ;
  • le mode Priorité Diaphragme, dans lequel le photographe détermine manuellement l’ouverture du diaphragme à laquelle il veut travailler, l’appareil ajustant alors la vitesse d’obturation pour obtenir une exposition correcte ; et
  • le mode Manuel, où comme on l’imagine, le photographe doit régler lui-même la vitesse et le diaphragme, l’appareil lui indiquant quand cette combinaison fournit une exposition correcte.

Ces modes font l’objet d’abréviations différentes selon les marques. Canon utilise des abréviations qui lui sont propres, Nikon et la quasi-totalité des autres marques utilisent les standard P pour le mode Programme, S (Speed) pour le mode Priorité Vitesse, A (Aperture) pour le mode Priorité Ouverture et M pour le mode Manuel. Les reflex d’entrée de gamme proposent souvent, en plus, d’autres modes automatisés qui sont censés faciliter la tâche aux débutants mais dont je déconseille l’utilisation car les résultats qu’ils fournissent sont fréquemment imprévisibles, et en plus ce n’est pas ainsi qu’on apprend la photographie.

Il faut aussi se rappeler qu’en mode Programme, certains boîtiers permettent à l’utiliser d’outrepasser (override) les combinaisons vitesse-diaphragme proposées par défaut, sans changer de mode et tout en conservant une exposition correcte. Par exemple, si votre boîtier vous propose, disons 1/500e de seconde à f/5.6, mais que vous souhaitez isoler votre sujet avec la profondeur de champ la plus courte possible, vous pouvez imposer à l’appareil, à la volée, une ouverture de f/1.4 (si votre objectif va jusque là), et le boîtier compensera de lui-même en faisant monter la vitesse au 1/8000e —tout cela à sensibilité ISO constante, bien sûr. Le mode Programme n’est donc pas nécessairement un « tout automatique » : il l’est si vous le voulez, mais il ne l’est plus si vous choisissez, en connaissance de cause, d’outrepasser le réglage proposé au départ.

En-dehors de cette particularité, vous choisirez le mode dans lequel vous travaillerez en fonction de vos besoins, et aussi de vos habitudes : hormis des photos particulièrement typées pour lesquelles un mode s’impose à l’évidence de préférence aux autres (par exemple, les photographes de sport seront, cela va de soi, le plus souvent en mode S), de nombreux photographes expérimentés apprécient le mode A, dans la mesure où la gestion de la profondeur de champ, dans laquelle l’ouverture du diaphragme joue un grand rôle, représente un facteur important de leur processus créatif.

Personnellement, j’apprécie le mode P pour sa versatilité et son adaptabilité : si l’on s’est mis en mode A, et que brusquement se présente une opportunité de photo pour laquelle vous avez besoin du mode S, le temps de porter l’appareil à l’œil, de réaliser que vous n’êtes pas dans le bon mode, d’en changer et de faire vos réglages… l’opportunité peut avoir disparu. Alors que, si vous êtes en mode P, une unique action vous permet de décaler rapidement la combinaison vitesse-diaphragme de départ pour l’adapter à vos nouvelles conditions de prise de vues, sans devoir changer de mode.

Je recommande donc ce mode «passe-partout» qui convient à la plupart des situations.


P.S.: comme vous vous en êtes rendu compte, j’ai compris comment vous permettre de voir en un peu plus grand les photos qui illustrent mes articles sur ce blog... Il suffit de cliquer dessus pour que les versions plus grandes s’affichent dans une interface de type «Lightbox».

samedi 10 mars 2012


Bien exposer ses photos

Comprendre les principes de l’exposition photographique


Introduction:
On m’a proposé, suggéré, d’écrire quelques articles de vulgarisation sur la lumière et l’exposition photographique. Vous trouverez le résultat de ce travail ci-dessous. J’ai essayé de rester aussi simple et didactique que possible, bien que je ne sois ni enseignant, ni même formateur... Bonne lecture!

Les règles qui font qu’une photo est bien ou mal exposée (ou plutôt, qui font que la photo est exposée comme vous le souhaitez) sont simples. Il s’agit seulement de déterminer quelle quantité de lumière va venir frapper, soit la pellicule présente dans l’appareil, soit, de nos jours, le capteur photosensible qui l’a le plus souvent remplacée.

Au repos, la surface du capteur est cachée, la lumière ne vient pas la frapper.

C’est vrai, il y a des exceptions : d’abord, tous les petits appareils compacts ou bridge, qui pour la plupart n’ont pas de viseur optique. La seule manière de cadrer avant de prendre la photo, c’est de regarder l’écran arrière. Pour que cet écran montre une image, il faut bien que la lumière frappe le capteur, afin que la scène saisie par celui-ci soit répercutée sur l’écran et nous montre ce que nous allons photographier. Ce même principe a d’ailleurs été copié sur les reflex avec les systèmes dits live view, qui sont disponibles en plus du viseur optique.

Sur les reflex, ce sont les lamelles métalliques de l’obturateur qui, comme son nom l’indique, obturent, cachent le capteur. L’« exposition », c’est donc le fait d’exposer le capteur à la lumière en provoquant l’ouverture de l’obturateur, puis sa fermeture, plongeant de nouveau le capteur dans le noir. Au bout de combien de temps ? Cela va dépendre de plusieurs facteurs :

  1. l’intensité de la lumière : il est facile de comprendre qu’en plein soleil de midi en été, davantage de lumière viendra frapper le capteur qu’un matin d’hiver par temps couvert ;
  1. la sensibilité du capteur : de la même manière que, jadis, on pouvait charger son appareil avec une pellicule plus ou moins sensible, la sensibilité du capteur peut être ajustée par l’utilisateur, le gros avantage étant qu’on n’est plus obligé d’attendre la fin de la pellicule avant de modifier ce réglage… ;
  1. la grosseur du « tube » par lequel va passer la lumière avant d’atteindre le capteur.
Détaillons ces trois variables, ainsi que la quatrième, le temps de pose, c’est-à-dire le temps pendant lequel l’obturateur restera ouvert, permettant à la lumière (plus ou moins intense) de venir frapper le capteur (plus ou moins sensible) en passant par un « tube » plus ou moins gros.

Lagune de Venise, orage d’été

 

L’intensité de la lumière

C’est par excellence la donnée « naturelle » à laquelle le photographe ne peut pas grand-chose : il y a du soleil ou il n’y en a pas, des nuages ou pas. Cependant, s’il y a trop de lumière, on peut la tamiser en utilisant des draps, des rideaux, en cherchant l’ombre, voire en vissant sur l’objectif des filtres dits « gris neutres », qui n’ont aucune influence sur les couleurs mais diminuent simplement l’intensité générale de la lumière, comme si l’on plaçait un nuage devant le soleil.

Venise, calle del Cristo, sous une lumière...divine! ;o)

De même, si la lumière est insuffisante, il est parfois possible de recourir à des éclairages artificiels (au premier rang desquels le flash) pour pallier le manque… pour autant que le sujet ne soit pas distant de plus de quelques mètres, faute de quoi le recours au flash est parfaitement inutile : photographier la tour Eiffel de nuit en « l’éclairant » avec le petit flash embarqué, ne sert évidemment à rien du tout. En studio, voire en extérieur, on peut utiliser des flashes plus puissants, ou encore des sources de lumière continues (projecteurs), pourvu que l'on dispose d’un accès à l’énergie électrique (secteur ou batteries spéciales).

Si l’on part du principe, pour simplifier, que la lumière est présente en quantité suffisante, la seule chose qu’il est nécessaire de faire à son propos est de la mesurer afin, justement, de déterminer combien il y en a (le posemètre intégré au boîtier s’en occupe), puis de la doser afin de n’en admettre à l’intérieur de l’appareil que la quantité qu’il faut.

 

Le temps de pose

Le temps de pose est souvent appelé (improprement) vitesse d’obturation. Les anglophones font la même erreur en l’appelant shutter speed, d’où le mode « S » présent sur nos appareils. En fait, cette variable n’a qu’un rapport indirect avec la vitesse à laquelle l’obturateur s’ouvre et se ferme, puisque le temps de pose est, en fait, le laps de temps pendant lequel l’obturateur va rester ouvert, permettant donc à la lumière de venir frapper le capteur. Cette durée est en général exprimée en fractions de seconde : 1/60e de seconde, 1/125e, 1/250e, etc. Parfois, lorsqu’on fait des photos de nuit ou pour réaliser certains effets spéciaux, il faut prolonger le temps de pose pendant plusieurs secondes, voire pendant plusieurs minutes car très peu de lumière vient frapper le capteur ; on parle alors de photos réalisées « en pose longue ».

Venise, la nuit, bassin de San Marco

L’effet secondaire indésirable du temps de pose apparaît quand celui-ci s’allonge : il s’agit du flou de bougé causé par les légers mouvements involontaires du photographe, voire par sa seule respiration. Lorsqu’on utilise des temps de pose courts (on dit souvent, toujours improprement, « des vitesses rapides »), 1/125e de seconde ou plus courts, l’obturateur reste ouvert trop peu de temps pour que ces mouvements soient perceptibles sur la photo, mais à 1/30e de seconde, voire moins, il est prudent d’utiliser un support, monopode ou trépied, faute de quoi l’image sera « tremblée », manquera de netteté, voire deviendra franchement floue. De plus, quand on travaille en pose longue, le long moment pendant lequel le capteur est exposé à la lumière et le réchauffement qui en résulte peut induire l’apparition de « bruit numérique », donc on reparlera plus loin à propos de la sensibilité du capteur.

 

La sensibilité du capteur

La sensibilité d’un capteur d’appareil-photo numérique est variable et peut être ajustée, soit automatiquement par l’appareil lui-même, soit par l’utilisateur. L’intérêt de cet ajustement est bien sûr de compenser la baisse de la lumière disponible (on augmente alors la sensibilité du capteur), ou au contraire son accroissement (on diminue la sensibilité du capteur).

C’est que ce qu’on faisait avec les pellicules : selon le type de photos qu’on comptait faire, on achetait une pellicule « lente » ou « rapide », c’est-à-dire plus ou moins sensible à la lumière. Aujourd’hui, l’électronique embarquée dans le boîtier permet de modifier la sensibilité du capteur d’une photo à l’autre. Par convention, cette sensibilité se mesure avec la même unité (l’ISO, acronyme d’International Standards Organization) que celle dont on se servait (et dont on se sert encore, bien sûr) pour les pellicules : 100 ISO, 200 ISO, 400 ISO, etc.

Ici, l’effet secondaire dont il faut se méfier est que, lorsque l’on demande au capteur de monter en sensibilité, la photo risque de devenir « bruitée », c’est-à-dire de comporter des parasites visibles sur l’image, tout comme les pellicules ultra-sensibles de naguère avaient plus de « grain » que leurs collègues moins sensibles. Toutefois, alors que ce grain était souvent plaisant à regarder, le bruit numérique l’est beaucoup moins. Il faut dire aussi que les fabricants ont fait des progrès dans ce domaine, et que l’on peut aujourd’hui, avec la plupart des reflex, « pousser la sensibilité » jusqu’à 800 ISO, voire bien davantage, sans provoquer l’apparition d’un bruit numérique trop gênant.

 

La grosseur du « tube » par lequel passe la lumière

Lorsque l’obturateur s’ouvre, la lumière ne vient pas frapper directement le capteur : elle passe d’abord à l’intérieur d’un objectif dont les lentilles vont permettre de la focaliser, c’est-à-dire, en simplifiant, « d’organiser » tous ces rayons lumineux afin qu’ils ressortent « en bon ordre » à l’arrière de l’objectif et viennent alors frapper le capteur d’une manière aussi cohérente que possible : tout manque d’organisation se traduira par des déformations de l’image, des franges colorées, l’assombrissement des angles, une perte de netteté, etc.

En plus de ses différentes lentilles qui vont ainsi organiser les rayons lumineux, l’objectif contient un dispositif mécanique, le diaphragme, qui, par un jeu de lamelles plus ou moins circulaires, aura pour effet principal de faire varier la quantité de lumière qui sera effectivement autorisée à traverser l’objectif pour aller frapper le capteur. Comme pour le temps de pose, l’appareil lui-même peut se charger de régler l’ouverture du diaphragme, mais l’utilisateur peut le faire aussi, et ce réglage aura bien sûr une influence directe sur l’exposition.

Contrairement au temps de pose qui s’exprime en fractions de seconde, en secondes, en minutes, bref en unités faciles à comprendre pour chacun, l’ouverture (ou la fermeture, c’est la même chose) du diaphragme s’exprime au moyen de chiffres bizarres auxquels on ne comprend pas grand-chose, et qu’on se contente souvent d’apprendre par cœur en attendant d’en savoir plus. C’est certainement, de ce point de vue, la donnée photographique la plus difficile à assimiler pour le néophyte, qui ne peut la rattacher à aucune réalité : apprendre par cœur sans comprendre pourquoi est toujours frustrant. Néanmoins, à ce stade, c’est ce que vous allez devoir faire, sauf si vous avez envie de lire les petits caractères ci-dessous, qui vous en diront un peu plus.

Sans entrer dans les détails véritablement très complexes de l’optique, disons que l’« ouverture » d’un objectif est le rapport entre sa longueur focale et le diamètre de sa lentille frontale (celle sur laquelle il ne faut pas poser les doigts de crainte d’y laisser des traces qui dégraderont la netteté de nos photos). Un objectif est le plus souvent décrit par cette longueur focale, exprimée en millimètres, et par la valeur maximale de cette ouverture, c’est-à-dire par le « diamètre du tube » qu’offrira l’objectif lorsque le diaphragme sera complètement ouvert, ses lamelles complètement rétractées et n’opposant donc aucun obstacle au passage de la lumière à travers les lentilles.
Ainsi, un objectif d’une longueur focale de 200 mm dont la lentille frontale a un diamètre de 50 mm, aura une ouverture maximale de :

50 : 200 = 1/4

Pour simplifier, on ne retient de la fraction que son dénominateur, et l’on parlera alors d’un objectif de « 200 mm f/4 » (souvent abrégé en 200/4), le « f/ » symbolisant par convention le ratio dont la valeur de diaphragme est le dénominateur comme montré ci-dessus.

Donc, les valeurs principales que peut prendre l’ouverture du diaphragme d’un objectif sont par exemple les suivantes : 2.8, 4, 5.6, 8, 11, 16, etc. Ces valeurs sont en général précédées d’un signe « f/ » : on parle donc d’un objectif « ouvert à f/4 » ; cela ne veut pas dire que cet objectif sera ouvert en permanence à son ouverture la plus grande de f/4, cela veut simplement dire qu’il est capable, si besoin est, d’atteindre cette valeur maximale. Ces chiffres et nombres un peu barbares résultent de conventions datant des débuts de la photographie, mais même aujourd’hui, il est utile de les connaître et de les mémoriser si l’on veut comprendre comment bien exposer ses photos, nous verrons pourquoi tout à l’heure.

L’effet secondaire à surveiller en matière de réglage du diaphragme concerne la profondeur de champ. Pour expliquer très sommairement cette notion, rappelons qu’une photo va traduire en deux dimensions une réalité tridimensionnelle. Les objets apparaissant sur une photographie ne sont pas tous à la même distance de l’appareil ; certains apparaitront nets, alors que d’autres pourront être plus ou moins flous lorsqu’on regardera la photo. Lesquels seront nets ou flous, et pourquoi, dépend de plusieurs paramètres dans lesquels on n’entrera pas à ce stade, mais sachez que l’un de ces paramètres est l’ouverture du diaphragme : plus il est ouvert (c’est-à-dire plus la valeur de diaphragme est petite, puisque cette valeur, rappelez-vous, est un dénominateur : 4 signale donc un diaphragme plus ouvert que 8 car un quart est plus grand qu’un huitième…), plus la zone de netteté (qu’on appelle « profondeur de champ ») sera courte, et donc plus il y aura du flou de part et d’autre du sujet sur lequel le point a été fait.

Venise, Al nono risorto

La deuxième partie de cet article dans quelques jours.