lundi 14 avril 2014

Retour en Grèce (été 2013)


Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, ça faisait bien 20 ans que je n’avais plus remis les pieds en Grèce, alors pour ceux qui auraient besoin d’une formation express ou d’un rattrapage de dernière minute avant le départ, voici quelques informations précieuses que vous ne trouverez pas dans les guides.

Prévoyez de faire la majeure partie de vos dépenses en liquide. La soi-disant crise de confiance dans les banques (Chypre n’est pas si loin) a fourni un magnifique alibi à bon nombre de commerces grecs (y compris, souvent, les stations-service) pour cesser ostensiblement d’accepter les cartes de crédit. Double avantage : d’abord, le commerçant évite de payer la commission perçue par l’organisme qui gère la carte ; ensuite et surtout, être payés en liquide permet aux commerçants grecs (bon, disons au moins à certains d’entre eux) de continuer à frauder le fisc, ce qui est le sport national là-bas. Parfois, quand on insiste, le commerçant vous emmène, l’air renfrogné et en traînant les pieds, jusque dans l’arrière-boutique et extrait d’un tiroir un terminal poussiéreux, mais en parfait état de marche...

La danse des evzones

Quand vous allez dans un restaurant grec (et plus vous vous éloignez d’Athènes, plus c’est vrai), la vie devient très incertaine : on ne sait jamais à l’avance quelle sera la taille des portions, bien qu’en général ce soit plus copieux qu’en France, mais la surprise peut aller dans les deux sens, et les Grecs ne semblent pas avoir la même compréhension que nous du « c’est petit ou gros ? ». Ensuite, on ne sait jamais dans quel ordre les plats commandés vont arriver. Tout ce qu’on sait, c’est qu’on ne les recevra pas dans l’ordre escompté, que les entrées n’arriveront pas toutes en même temps, et que certains convives commenceront même par le plat principal.

Les Grecs sont en général d’excellents marins, encore que, de temps en temps, ils s’échouent...



En fait, on a l’impression qu’on vous apporte ce qui est prêt en cuisine, quand c’est prêt, sans aucun souci pour la coordination des parcours gustatifs des uns et des autres… Une joyeuse pagaille, même si la nourriture est dans l’ensemble bonne, voire parfois délicieuse. Enfin, oubliez les clichés éculés des Grecs de la rue de la Huchette : en Grèce, on ne casse pas les assiettes. Et pour finir, ne vous étonnez pas que la musique d’ambiance, voire les chansons interprétées par des artistes en chair et en os, ressemblent parfois à de la musique arabe : après tout, les deux mondes se côtoient. En revanche, je n’ai pas entendu le moindre sirtaki, pas de Zorba le Grec à l’horizon et pas davantage de Theodorakis pour celles et ceux qui aiment



Côté photo, comme on pouvait s’y attendre, et à moins de pratiquer des disciplines très spécialisées telles que la photo sous-marine, c’est avant tout paysages (et avant tout marins, les couleurs sont irrésistibles), architecture (ah ! ces murs blanchis à la chaux…) et scènes de rue.

 

Pour avoir les meilleurs sites pour soi, une seule recette: y aller au lever du soleil. Sinon, on fait du «à la Martin Parr»!

Enfin, force est de constater que les Grecs ne sont pas parmi les peuples les plus accueillants, qu'ils n'ont pas forcément un grand sens du commerce, et qu'on a parfois l'impression qu'on leur fait perdre leur temps à essayer de leur donner notre argent, nous autres malheureux touristes. Ça me fait de la peine de le dire mais, ayant eu entretemps l'occasion de goûter à la réalité turque, j'ai trouvé leurs cousins d'outre-Égée beaucoup plus sympathiques, à l'écoute et prêts à aider. Bien entendu, cela n'est pas une règle générale, mais disons que nous avons été surpris de trouver les Grecs souvent renfrognés et pas très aimables, alors même qu'il serait difficile d'incriminer la crise puisque ceux qu'on a cotoyé travaillaient précisément dans le secteur du tourisme, qui souffre bien peu,  surtout dans les gammes moyennes et hautes...




Dans le domaine du matériel photo, grand changement cet été 2013: pour la première fois depuis bien des années (devrais-je dire «décennies»?), j'ai laissé les reflex Nikon à la maison et je suis parti avec un Fuji X-Pro 1 accompagné de trois objectifs: un 18mm f/2 (équivalent 28 mm sur un capteur 24 × 36), un 35mm f/1.4 (équivalent 50 mm) et un zoom stabilisé 55~200mm f/3.5~4.8  (équivalent 85~300 mm). Doté d’un capteur APS-C, mais surtout d'un ingénieux viseur devenant à volonté optique (avec les cadres matérialisant les focales, y compris avec le zoom!) ou électronique, ce boîtier petit et léger m'a donné d'excellents résultats, même s'ils sont encore un poil en retrait de la qualité optique à laquelle je suis habitué avec les optiques professionnelles Nikon.



Encombrement réduit, poids plume, ce fut un vrai soulagement sous le brûlant soleil des îles grecques; de ce côté-là, le cahier des charges est parfaitement rempli. Au chapitre des points à améliorer, les pare-soleils qui ne s'encliquètent pas assez fermement, idem pour les bouchons d'objectifs à mettre par-dessus les pare-soleils et qui tombent (une excellente idée pas bien réalisée), l'absence de partie immobile par où saisir les objectifs pour les monter ou les démonter, et enfin un correcteur d'exposition trop... exposé à être déréglé d'un mouvement de doigt involontaire!

J'ai aussi dû, pour post-traiter mes photos, me mettre à Lightroom, et je n'ai pas du tout été convaincu par l'ergonomie ni par les fonctionnalités de ce logiciel, par rapport au couple Adobe CameraRAW/Photoshop, infiniment plus puissant et fonctionnel. Devoir utiliser Ligthroom est donc une contrainte supplémentaire, et je dois avouer que c'est pour l'essentiel cette contrainte qui m'a dissuadé jusqu'ici de repartir avec le X-Pro 1, même si je vais prochainement acquérir le nouvel petit télé de 56mm f/1.2 (équivalent 85 mm en 24 × 36) pour compléter ma panoplie. Et comme, encouragés par Istanbul, nous repartons cet été en Turquie, je repartirai avec le petit Fuji. Le tout dans l'attente du X-Pro 2, qui devrait sortir en 2015 et pourrait bien être plein format, comme j'ai toujours pensé que le successeur du X-Pro 1 allait être!

Il sera alors bien temps de tout revendre pour se rééquiper.

P.S.: n'oubliez pas de cliquer sur les petites photos insérées dans l'article, afin de les voir dans une dimension plus «lisible»!

samedi 12 avril 2014

L’état de la France (ou : comment en est-on arrivé là ?)



Avant de rappeler quelques faits qui sont, selon moi, trop oubliés de nos jours et pourtant essentiels pour comprendre la situation économique actuelle de notre pays, je me permettrai de préciser que j’ai toujours été, politiquement, plutôt de droite. Anti-Sarkozy, certes, je le suis devenu, mais seulement parce que je suis anti-voyou et anti-racaille, et que le comportement de Sarkozy à la tête de l’État manquait souvent, et cruellement, de dignité pour qui exerce la plus haute fonction représentative. Et encore, on ne sait sûrement pas tout, comme les affaires judiciaires le montreront peut-être un jour à l’instar de ce qu’elles ont fini par montrer en Italie concernant Berlusconi. Espérons que cela ne prendra pas autant de temps.

Étant révolté par le fait que Sarkozy puisse continuer à représenter la France, je me suis résigné, sans enthousiasme, à voter Hollande —alors que j’aurais voté Fillon avec plaisir s’il avait été candidat. Je constate que la gauche, sur le plan économique, n’a pas fait sensiblement mieux ni plus mal que la droite n’aurait sans doute fait à sa place. Nous verrons si Valls parvient à faire mieux qu’Ayrault, mais je suis convaincu comme la plupart des observateurs objectifs que, quelle que soit la politique économique mise en œuvre (offre, demande, combinaison des deux), la France est trop sclérosée et trop réticente à se réformer pour retrouver le chemin de la croissance, si les autres pays ne « tirent » pas cette croissance. Or, la relative atonie européenne et mondiale actuelle ne présage rien d’enthousiasmant à cet égard.

Ce qui m’amène aux quelques faits que je voulais souligner dans ce billet : la crise que nous vivons depuis quelques années, d’où vient-elle ? Qui en est responsable ? Qui a contribué à l’endiguer ou à l’aggraver pour en arriver là où nous en sommes ?

L’origine de la crise, comme on a tendance à l’oublier, réside aux États-Unis. Ce sont nos amis américains qui l’ont créée de toutes pièces et l’ont exportée chez nous.

Au départ, il y eut l’appétit excessif des banques américaines (j’y inclus l’équivalent de nos caisses d’épargne, les savings and loans) qui, dans une économie où presque tout le monde avait déjà des crédits, se sont entêtées à rechercher encore de nouveaux clients, et ce dans le principal secteur où des « friches » existaient encore : celui du logement. Ce faisant, elles se sont approchées dangereusement de franges de la population de moins en moins solvables, en leur proposant des facilités pour devenir propriétaires de leur logement, au lieu d’en demeurer locataires.

Or, il y avait une bonne raison pour que ces populations ne soient pas déjà devenues propriétaires : c’est que, justement, elles n’étaient pas assez solvables pour emprunter, selon les critères bancaires traditionnels et prudents. Qu’à cela ne tienne, on a jeté la prudence aux orties et, pendant quelques années, le système a tenu, parce qu’il y avait de la croissance économique et que les populations à risque se maintenaient à flot (parfois de justesse) par leur travail. Puis, l’économie a commencé à ralentir, et bien entendu, ces populations-là ont été les premières touchées (ce n’est pas pour rien qu’on les appelait « à risque » !). Ces nouveaux emprunteurs ont commencé à perdre leur emploi, et à ne plus pouvoir rembourser. Les banques ont exercé les droits qu’elles tenaient des contrats de prêts immobiliers et ont dépossédé leurs clients de fraîche date des logements qu’ils avaient à peine commencé à payer (les fameuses foreclosures de sinistre mémoire). Elles se sont ainsi retrouvées à la tête d’un parc immobilier considérable, qu’elles n’étaient pas équipées pour gérer (ce n’est pas la vocation d’une banque), et dont la valeur chutait considérablement car personne ne voulait de ces logements : les populations solvables étaient déjà logées, et les insuffisamment solvables étaient… à la rue, du fait des expulsions.

De proche en proche, les banques ont commencé à s’appauvrir, et à ne plus pouvoir elles-mêmes faire face à leurs propres échéances, car bien sûr les banques s’empruntent et se prêtent en permanence les unes aux autres, ces différents engagements entrecroisés composant une toile d’araignée financière d’ampleur aussi mondiale (et nettement plus ancienne) que celle de l’internet. Par voie de conséquence, la crise bancaire américaine (qui a atteint son sommet avec la faillite retentissante et impensable de Lehman Brothers) fut exportée à l’étranger, à commencer par l’Europe. Les banques, sachant que la solvabilité des autres établissements pouvait être rapidement fragilisée, voire devenir douteuse, ont de plus en plus répugné à se faire confiance, à se prêter, et n’ont donc plus été en mesure d’obtenir suffisamment de capitaux pour financer les entreprises. La crise du système bancaire avait déjà coûté très cher aux États qui avaient dû mettre la main à la poche pour éviter le fameux « risque systémique », c’est-à-dire l’écroulement de tout le système et la spoliation de centaines de millions d’épargnants… et voilà maintenant que cette crise, elle-même plus ou moins circonscrite, contaminait le tissu économique.

Face à cette situation, les pays n’ont pas tous réagi de la même manière. L’on se souvient que Sarkozy s’est longtemps vanté que la France s’en était sortie nettement moins mal que certains autres, en souffrant beaucoup moins de la crise. C’était vrai. Pourtant, la France, on le sait, n’a rien d’un Superman de l’économie. Comment a-t-on donc pu s’en tirer mieux (c’est-à-dire traverser ce passage avec moins de douleurs) qu’un pays comme l’Allemagne, certes moins brillant que nous en matière d’innovation, mais infiniment plus solide industriellement ?

La réponse est simple : la France s’est endettée. Pendant deux ans, Sarkozy a impulsé une politique de la dépense sans retenue, injectant des centaines de milliards dans le circuit économique à la place des banques (ou leur donnant l’argent pour le faire). Ce fut, souvenons-nous-en, le fameux « Plan de relance ». Chaque matin, en écoutant la radio, je me demandais : « Mais où va-t-il aller chercher l’argent qu’il est en train de dépenser ? » On avait l’habitude d’avoir un mal fou à trouver quelques millions pour sauver tel ou tel projet, et d’un coup ça nous pleuvait dessus à coups de milliards, comme si on avait soudainement découvert un énorme bas de laine oublié…

Or, bien sûr, ces milliards, le pays ne les avait pas, attendant sagement dans les coffres de la Banque de France qu’on veuille bien les dépenser. Il a donc fallu les emprunter. Et c’est bien cet énorme fardeau qui plombe aujourd’hui, et durablement, nos comptes publics. Certes, vivre au-dessus de ses moyens était depuis longtemps une caractéristique de la France, quels que soient les gouvernements, mais jamais on n’avait vu une telle accélération de l’endettement en si peu de temps.

La gauche, arrivant au pouvoir, a bien entendu souligné cet élément, mais l’opinion française n’aime pas que l’on dise que c’est la faute des autres —même quand c’est vrai. Aussi, au bout de quelques mois, plus personne n’a osé entonner le refrain de « l’héritage », alors même que nous subissons, et allons encore subir longtemps, les conséquences de cette dispendieuse irresponsabilité. Je ne dis pas qu’il faut se contenter de blâmer la politique économique de Sarkozy ; il faut assurément aussi tenter d’en contrer ou d’en limiter les effets, et pour cela, de relancer la machine économique. Mais pour autant, cette politique a contribué de manière importante à plomber la situation du pays, et à réduire ses marges de manœuvre alors même que d’autres pays, qui ont eu plus mal que nous lors de la crise bancaire et économique, commencent à retrouver les leurs.

Il me semble donc important de ne pas oublier qui nous a menés là où nous sommes : à l’origine, nos amis américains et la gloutonnerie imprudente de leurs banques ; puis, notre ancien Président et sa politique de dépenses massives, mais à courte vue.