samedi 4 août 2018

Fake news, fake photos



Les fake news (fasses nouvelles), ces informations erronées et/ou mensongères mais qui présentent toutes les apparences du vrai, et auxquelles de nombreux gogos se laissent prendre, sont très à la mode depuis qu’un clown a été élu par ses compatriotes Président des États-Unis —ce qui en dit long sur leur maturité, d’ailleurs.

De la même manière, les fake photos (photos mensongères) fleurissent de toutes parts sur nos écrans. En écrivant fake photos, je ne veux pas faire allusion aux photos truquées, qui ont toujours existé, qu’il s’agisse des cils ajoutés au crayon sur les portraits du studio Harcourt, des dignitaires en disgrâce effacés des photos du Kremlin, ou des bourrelets de Sarkozy retouchés dans Photoshop… Non, je parle de ces photos dans lesquelles, abandonnant toute notion de bon goût (mais en ont-ils jamais eu ?), certains « photographes », shootés à l’égotine concentrée, poussent au fond du fond les curseurs de vibrance, de saturation, de contraste, bref font tous leurs efforts pour donner à leurs photos les couleurs les plus pétantes qu’il soit possible d’imaginer dans l’état actuel de la technique.

C’est tape-à-l’œil, c’est ridicule, ça n’a plus rien à voir avec ce qu’ils ont vu dans la réalité, et ça perd toute crédibilité.

Et alors ? Vous pensez que c’est ça qui va empêcher des milliers, voire des millions de neuneus, qui n’ont pas meilleur goût que les « photographes » en question, d’applaudir l’audace du gars qui a osé pousser la souris encore un peu plus loin que les autres ? Pas du tout ! Au contraire, ils vont adorer ! Et ils adorent, les commentaires que je lis tous les jours sur Flickr en sont la preuve.

Après tout, pourquoi s’en étonner ? On connaît bien le niveau de la médiocrité ambiante, il n’y a qu’à voir les scores que font les émissions de télé-réalité, de préférence un peu cruelles et/ou salaces (les jeux du Cirque l’étaient bien déjà), face à Arte ou à France 5. Donc, partant du principe que la subtilité d’une composition toute en courbes ou la fragilité d’un pastel, passeront largement au-dessus de la tête du neuneu moyen, mais que ce dernier se prendra en revanche en pleine poire un ciel mauve fluo ou bien un reflet de soleil rouge pompier laqué sur un rocher au soleil couchant, pourquoi nous étonner ?

Le médiocre appelle le médiocre, lequel ne peut, pour tenter de se démarquer, qu’en rajouter encore, jusqu’à tomber dans le franchement ridicule, domaine où il ne risque rien, son public l’y ayant précédé depuis longtemps, en sandalettes Birkenstock et pantacourts.

On ne devrait donc pas s’en étonner, d’accord, mais cependant on s’en étonne. Pourquoi ? Parce que, je pense, nous voyons là la vulgarité  graillonneuse et transpirante en marche, en train d’envahir un domaine que nous pensions artistique, un domaine qui était le nôtre et dans lequel nous tentions de progresser, petit à petit, au prix de tant d’efforts… Aujourd’hui, Monsieur Legras et le cousin Kevin ont un appareil-photo (fut-il celui de leur smartphone), et ils ont aussi des comptes sur Flickr, où leur photographie graveleuse peut s’exprimer avec succès auprès de la foule innombrable de leurs semblables…

Certes, vous et moi ne faisons pas partie de ce monde-là, et nous en avons bien conscience. Il n’en reste pas moins que, comme il est de plus en plus difficile de trouver un coin pour échapper à la canicule en ces étés, disons-le, maghrébins, les lieux où les vrais (disons-le aussi) photographes peuvent se retrouver et s’exprimer sans être pollués par le vulgum se font aussi de plus en plus rares.