lundi 30 juin 2014

Le Graal du sac-photo idéal




Nombreux sont les photographes qui, dans leur quête du sac-photo idéal, en possèdent toute une collection, et continuent à en acquérir, faute d’avoir trouvé, justement, cet idéal.

S’il est si difficile à atteindre, c’est probablement qu’il n’existe pas un sac-photo idéal, mais plusieurs, en fonction de l’usage que l’on compte en faire.

Pour ma part, après avoir possédé quelques années un classique sac à dos Lowepro de la série Trekker, que j’ai fini par trouver bien lourd et pas si pratique, je me suis rabattu sur un grand Kiboko 32 litres de la marque Gura Gear que j’utilise depuis 4 ou 5 ans avec toute satisfaction. Il est grand et très logeable, intelligemment conçu, confortable à porter (enfin, relativement, ça va de soi !), et surtout très léger sans faire de compromis en matière de protection du matériel transporté. C’est l’idéal, quand on se balade avec un ou plusieurs boîtiers reflex pro et une collection d’objectifs (allant jusqu’au gros 200~400mm), de flashes et d’accessoires divers, y compris un trépied. Dans ce compartiment du jeu, j’ai trouvé mon Graal.

Restent les autres cas, c’est-à-dire les sorties/vacances/reportages pour lesquels le Kiboko est manifestement surdimensionné… et dans ce domaine-là, la quête, hélas ! continue.

J’ai d’abord acheté un « petit Kiboko » de 18 litres (rebaptisé entretemps du nom ridicule de « Bataflae », alors que kiboko, mot swhaili désignant un fouet en peau de rhinocéros, était si joli et original…). Particulièrement léger, très logeable, ce sac présentait l’inconvénient d’être très profond, presque autant qu’un grand modèle, ce qui le rend un peu disgracieux et surtout empêche qu’on le porte confortablement sur le devant du torse, ce qui est parfois utile, comme on le verra plus loin. De plus, s’il convenait bien au transport d’un kit réduit à base de reflex pro ou semi-pro, il était trop grand pour le kit alternatif que j’utilise, à savoir le boîtier Fuji X-Pro 1 et quelques objectifs, essentiellement des focales fixes.

Je me suis donc résigné à le vendre.

Convaincu par les innombrables louanges décernées sur Internet, j’ai récemment acheté un Billingham. Après avoir longtemps hésité quant au modèle à choisir, je me suis décidé pour un Hadley Pro en fibre synthétique FibreNyte. C’est un bel objet, et sa fabrication est remarquablement soignée, comme je m’y attendais… sans toutefois être parfaite, à en juger par les bouts de fils qui dépassent çà et là sur l’insert intérieur. Il est bien conçu et sa taille est parfaite pour emporter le kit Fuji dont je viens de parler, mais toutefois un peu juste pour un kit à base de reflex, même un peu encombrant Nikon D700. Quant aux objectifs pro qui l’accompagnent, ils se trouvent eux aussi un peu à l’étroit.




Cela étant, je l’ai acheté prioritairement pour le X-Pro 1, et de ce côté-là, rien à dire.

Rien à dire ? Voire… En effet, si le matériel lui-même tient aisément, qu’en est-il des petits surplus ? Les accessoires photo, eux, trouvent place dans les poches frontales, voire dans les petites (très petites) sacoches latérales Avea que j’ai ajoutées. Dans la poche zippée sur la face intérieure du sac, on peut glisser un Kindle, mais pas un PC, même notebook, ou alors en forçant pas mal… et quid de la bouteille d’eau, voire du petit sandwich, et du magazine ? De la petite laine pour le soir, du chapeau de soleil, de l’écharpe, du K-way ? Pas de place pour tout cela.



 Facile, me direz-vous, il fallait acheter un plus grand modèle ! Peut-être, mais que ferais-je d’un plus grand modèle les jours où je n’aurai pas ces petits suppléments à emporter ?

De plus, ma femme m’avait prévenu et j’ai eu tort de ne pas l’écouter, le portage à l’épaule, même avec la sangle croisée sur le torse, ce n’est pas si confortable que ça…

Quel est donc, en vérité, le fond du problème ? Eh bien, c’est que tout sac-photo destiné au kit Fuji est systématiquement comparé à un banal petit sac à dos Eastpak, le même que celui que des millions d’ados et d’étudiants trimballent à longueur de journée, sauf que le mien est en cuir noir pour « passer » un peu mieux en ville, mais en dehors de cela c’est le même. Et pour un usage photo, il présente bien en vérité des avantages : d’abord, il est très logeable, une fois le kit Fuji installé à l’intérieur, il reste une place énorme pour mettre tous les objets dont j’ai parlé. Et lorsqu’il est moins plein, la souplesse du cuir fait qu’il se replie sur lui-même, prenant ainsi le moins de place possible.



Ensuite, je dois bien reconnaître qu’il est plus confortable de porter sur le dos une charge bien répartie sur les deux épaules. L’Eastpak peut également être porté sur une seule épaule, si l’on a envie, voire à la main, comme le Billingham, puisqu’il possède une poignée en tissu. Et l’accessibilité au matériel, point noir habituel des sacs à dos, n’existe pas ici, puisque la souplesse du cuir permet de le porter très facilement sur le devant du corps. Même si cela n’est guère flatteur, cela permet une accessibilité idéale, l’ouverture par le haut protégeant également le contenu contre toute chute accidentelle.

De plus , cet Eastpak est particulièrement bien fabriqué, les fermetures zippées sont d’excellente qualité, et je le trimballe depuis quelques années sans égard particulier et sans le moindre problème, si ce n’est les jolies tirettes en cuir qui ont tendance à partir de leur côté (j’en ai perdu une sur la fermeture de la poche principale, que j’ai remplacée par une autre, moins belle mais beaucoup plus facile à saisir). Il y a même, contre la face antérieur, un séparateur matelassé créant un compartiment distinct qui peut contenir une tablette, un PC, ou n’importe quoi d’autre que vous souhaitez isoler du compartiment central. Et bien sûr, il y a aussi la poche zippée extérieure, elle aussi d’une grande contenance.

Enfin, il n’y a pas mieux côté discrétion : avec sa forme archi-connue dans le monde entier, ce sac ne ressemble vraiment pas à un sac-photo.



Pour autant, tout n’est pas rose : le poids n’est certes pas un inconvénient, il est très léger même s’il est intégralement en cuir, mais ce n’est évidemment pas un matériau respirant et on transpire rapidement lorsqu’on le porte sur le dos par grosse chaleur. Ensuite, rien n’est prévu pour transporter un trépied puisque ce n’est pas un sac-photo. Quand il m’en faut un mais que je souhaite garder les mains libres, je me rabats sur un astucieux porte-trépied de ceinture vendu par Gitzo (accessoire qui, lui aussi, prend facilement place dans l’énorme ventre de l’Eastpak).

Ensuite, comme ce n’est pas un sac-photo, l’intérieur n’offre aucune protection particulière contre les chocs, aucun rembourrage, aucune possibilité d’organiser des compartiments cloisonnés comme dans un sac-photo habituel. Deux parades possibles : ou bien installer dans l’Eastpak un insert provenant d’un autre sac (par exemple celui du Billingham, et je crois qu’on en trouve également en vente sur Internet) ; ou bien utiliser des poches individuelles pour protéger les objectifs et contenir les petits accessoires qu’on passe du temps, sinon, à chercher au fond du sac. Pour les fans de la marque, Billingham en fabrique d’assez jolis (les « Simplies »), avec une base en cuir, mais la toile qui les compose est franchement « légère » et n’offre guère de protection. Ils peuvent convenir pour de petits accessoires qui ne craignent pas grand-chose. Je leur préfère les poches en cuir de veau, double épaisseur, faites avec un peau très souple et légère, d’excellente qualité, très doux au toucher et qui procurent vraiment une bonne protection. On les trouve pour pas cher sur Internet… faits en Chine, comme tout le reste. J’en possède une bonne demi-douzaine de tailles diverses, c’est l’idéal pour protéger les objectifs.

Enfin, la faiblesse essentielle de l’Eastpak, c’est son absence d’imperméabilisation. Bien que le cuir résiste un peu à l’eau, je ne sais pas quel serait le comportement de ce sac (cuir et fermetures zippées) en cas de grosse pluie, alors que le Billingham possède en ce domaine des performances parfaites, comme le confirment de nombreux témoignages d’utilisateurs.

Pour conclure : en dépit de son élégance et de sa qualité, le Billingham ne m’a pas convaincu pour le format « trois semaines de vacances avec parfois des machins divers et variés à transporter en plus du kit Fuji ». Le sac à dos Eastpak m’accompagnera donc en Turquie (ou la résistance à la pluie n’est pas une considération prioritaire), même si le Billingham lui sera sans doute préféré pour un weekend à Paris… surtout à la mauvaise saison !

dimanche 1 juin 2014

Retouche photo et hypocrisie

L'autre jour, sur un forum traitant de photo de voyage, quelqu'un recommanda le livre Conseils d'un photographe voyageur, d'Olivier Föllmi. Je n'avais pas lu ce livre mais, me souvenant de quelques photos de Föllmi que j'avais aimées, et sachant que le bonhomme est quand même l'un des rares qui parvient à vivre de ses photos de voyage, je fis l'emplette de son petit opus.

Föllmi est, à l'évidence, un mystique profond dont l'approche humaniste se confond avec une appréhension quasi-religieuse, en tous cas fusionnelle, de ses sujets. Cette approche ne me correspond pas et je lus en diagonale bon nombre de pages qui s'assimilaient davantage à du prêchi-prêcha qu'à de véritables conseils opérationnels et exploitables pour photographes voyageurs... sauf à être un grand mystique comme lui, évidemment.

Pour autant, son petit livre contenait un certain nombre de points intéressants, même s'ils n'étaient pas entièrement nouveaux par rapport à ce que tout un chacun peut lire en faisant quelques recherches sur internet ou en lisant d'autres livres de grands voyageurs tels que, par exemple, Steve McCurry. J'étais juste un peu irrité par la pub faite sur chaque page pour Fuji, sous prétexte que cette marque sponsorise l'auteur: là, pour le coup, on bascule du mysticisme le plus éthéré dans le matérialisme le plus mercantile!

Bref... Je suis arrivé page 88, où figure le chapitre "Retoucher ses images", et là je lis la première phrase ainsi: Pour un bon photographe, une image à retoucher devrait aller à la poubelle. Aïe.

Déjà, ce genre de pronunciamento imbécile, digne des jugements à l'emporte-pièce qu'on assène au comptoir du Café du Commerce parce qu'on a bu un coup de trop, qu'on n'a plus toute sa lucidité et qu'on est incapable de faire encore dans la nuance, est difficilement admissible de la part d'un grand professionnel, qui écrit en principe à jeun, et qui devrait savoir que les situations réelles sont infiniment plus complexes, et que si ce qu'il affirme était vrai, il n'y aurait pas beaucoup de "bons photographes" sur Terre (y compris tous ceux qui sont infiniment plus et mieux reconnus que Föllmi).

Ensuite, les affirmations de ce type émanent le plus souvent de ceux qui ne maîtrisent pas les outils de retouche et qui, plutôt que de l'avouer, préfèrent prétendre qu'ils sont haïssables (travers bien connu de la race humaine) —alors qu'en vérité, ils aimeraient apprendre à les utiliser...

Enfin, cet intégrisme professé, cette intolérance absolue, est à l'image de ceux et de celles dont la politique, les mœurs ou la religion nous offrent le spectacle, c'est-à-dire qu'elles ne s'appliquent pas à soi-même, évidemment. En effet, que lit-on sous la plume de notre brave Genevois, juste après? Lors de la phase de gravure [que nous autres pauvres gueux pourrons assimiler à l'impression de nos photos], il arrive de devoir contraster un ciel, densifier une couleur ou ouvrir une ombre.

Ah bon? Et cela, ça ne serait pas, par hasard, comme qui dirait, de "la retouche", cette retouche honnie que tout "bon photographe" doit bannir? Mais non, voyons, pas de mauvais esprit! Poursuivons la lecture de la parole du Maître: J'accepte des ajustements chromatiques modérés [c'est quoi, des "ajustements chromatiques"? et c'est quoi, "modérés"?] s'ils restent dans les limites du respect de la photographie. Et qui va en être juge, de ce respect? Monsieur Föllmi, bien sûr. Lui sait jusqu'où il peut se permettre de triturer ses images. Quant aux autres, dès qu'ils tritureront, ils n'auront qu'à s'intituler, selon lui, "artistes infographistes".

En résumé, Föllmi, c'est: "Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Si vous éprouvez le besoin de retoucher vos photos, c'est que vous n'êtes pas un bon photographe. Oui, c'est vrai, moi aussi je retouche les miennes, mais moi je sais jusqu'où ne pas aller trop loin, et je sais rester un 'artiste photographe' sans tomber dans la sous-catégorie des 'artistes infographistes'. Vous, non."

Franchement, il y a de quoi se tordre de rire. Notre pauvre Suisse, qui avait dû abuser de la fondue et du fendant quand il a pondu son chef-d’œuvre, a perdu à mes yeux toute crédibilité. Quand on pense que c'est lui qui, par ailleurs, se fait l'apôtre de la tolérance, du respect des autres, de l'écoute, et qu'on le sait capable de proférer ce genre de discours d'exclusion, de dire, du haut de son savoir auto-proclamé, qui est un "bon photographe" et qui ne l'est pas, eh bien on peut se demander à quel moment du livre le mensonge a commencé...