samedi 31 octobre 2020

Les confidiots sont de retour!

 Samedi 31 octobre 2020, la France est de nouveau confinée depuis hier, face à une deuxième vague de COVID-19 virulente et meurtrière.

Arrive sur mon téléphone une notification du Monde: «Un premier jour de confinement aux airs de long dimanche morose, où ressurgissent les angoisses de mars»...

Après les covidiots («Le masque, ça sert à rien! C’est un complot de Big Pharma et du gouvernement»), voici décidément revenu le temps des confidiots...!

Par moment, on se dit qu’il leur faudrait une bonne guerre, pour comprendre enfin ce qu’est l’angoisse, la vraie, et arrêter de se regarder le nombril sous prétexte qu’on ne va plus pouvoir aller tous les jours lever le coude au bistrot pendant quelques semaines... La belle affaire!

Vraiment très angoissante, en effet, la perspective de ne plus se colleter les embouteillages matin et soir pour aller au boulot à la même heure que tout le monde, en en revenir idem; la perspective de ne plus s’entasser dans le métro ou le bus où, même sans virus (chinois ou pas), vous avez toutes les chances d’attraper quelque chose (ne fut-ce que les mauvaises odeurs du voisin); la perspective de contempler à longueur de journée les têtes de neuneus des collègues, et de subir les petites mesquineries des chefaillons... Oui, quelle angoisse, vraiment, d’être débarrassé de tout cela pour un bon mois!

Le confinement, pour ceux qui ne travaillaient pas, ne va pas changer grand-chose (surtout la version «light» qu’on nous propose cette fois, et dont on va vite s’apercevoir qu’elle ne suffit pas); et pour ceux qui travaillent, c’est une bénédiction que de pouvoir rester tranquillement à la maison à pantoufler, travailler devant son ordinateur, descendre à la cuisine se faire un thé, bref travailler d’une manière infiniment plus confortable, productive et détendue... En tous cas, c’est ce que j’ai toujours remarqué, du temps où je télétravaillais un jour par semaine.

Et en fait de dimanche morose, d’abord on est samedi, et ensuite un doux soleil d’automne a chassé brumes et nuages, et il fait un temps radieux! Ne cédons pas au pessimisme professionnel du Monde et restons réalistes: ce confinement, c’est loin d’être la fin du monde (sans jeu de mots), et ce qui m’angoisserait plutôt, moi, c’est de voir à quel niveau de médiocrité un grand quotidien national n’hésite pas à s’abaisser pour attirer un lectorat toujours plus prompt à se lamenter sur ses (bien petits) malheurs supposés...

mardi 27 octobre 2020

De plus en plus de Français écrivent mal

 Je lisais récemment un article du Point dans lequel Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris et retraité de la politique, déplorait que «le monde dans lequel arrive la jeunesse [soit] celui des réseaux sociaux, des fake news et du manque de profondeur.» Il ajoutait: «Rien n’est pire que de baigner dans la médiocrité intellectuelle et morale.»

Il a bien sûr raison, mais je soulignerai que les fake news, qu’on doit tout simplement appeler en français les fausses nouvelles, ne datent pas d’hier: sans même parler des rumeurs, qui on toujours existé (les plus grandes d’entre elles ne sont-elles pas les religions?), faut-il rappeler que les fausses nouvelles étaient déjà tellement installées dans la société, et tellement dommageables, que la grande loi sur la presse du 29 juillet 1881 instituait spécifiquement un nouveau délit de «propagation de fausses nouvelles»?

Les fausses nouvelles ne sont probablement guère plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier —rapportées au nombre d’êtres humains peuplant la Terre, bien entendu: il est logique que, sur une population de, disons, 60 millions de personnes, davantage de fausses nouvelles soient inventées et diffusées que par une population de seulement 40 millions.

Ce qu’il y a , c’est que les fausses nouvelles d’hier n’avaient guère de moyens de véritablement se diffuser. Or, une fausse nouvelle que vous êtes seul à connaître parce que vous l’avez inventée est sans intérêt. Si vous ne la partagez qu’à l’intérieur de votre petite sphère personnelle, sans moyen de la disperser au-dehors (disons, parmi les personnes présentes sur un bateau de croisière sans moyen de communication avec la terre ferme et encore au large pour plusieurs semaines), ça ne va pas loin non plus, sans jeu de mots. Dans le passé, le seul moyen de diffuser une fausse nouvelle était la presse écrite, seul média «de masse» (c’était très relatif à l’époque, mais tout de même), et c’est bien pour cela que c’est dans le cadre d’une loi sur la presse qu’on s’est préoccupé de réprimer la diffusion de fausses nouvelles: parce qu’elles ne pouvaient passer que par là pour atteindre une large audience, et commencer à faire véritablement du mal.

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux (il faudra du temps et du recul pour comprendre tout le mal qu’ils ont fait), mais aussi les blogs qui fleurissent sur Internet, les fausses nouvelles disposent des moyens techniques leur permettant de se répandre beaucoup plus vite, même si elles ont été inventées par un individu isolé. C’est pourquoi il nous semble que c’est un phénomène nouveau, ce qui n’est évidemment pas le cas: la bêtise et la malignité humaines sont, hélas! intemporelles.

Pas nouveau donc, mais simplement plus visible (en dépit du fait que les rationalistes et les scientifiques qui s’efforcent de combattre les fausses nouvelles se servent aussi des réseaux sociaux), ce phénomène est semblable à celui de l’illettrisme, qui se manifeste par les innombrables fautes d’orthographe que font un nombre considérable de personnes: plus le temps passe, plus il nous semble que «les gens» écrivent mal et parlent mal.

C’est, sans nul doute, en partie vrai. Ma génération, celle des gens qui étaient déjà au lycée quand est survenu le chaos de Mai–68 et ses suites désastreuses pour le système éducatif, a été sauvée: nous avons reçu une bonne éducation qui, même si elle était moins exigeante que celle reçue par nos propres parents (je me souviens que ma mère connaissait encore par cœur la liste de tous les rois de France, avec leurs dates de règne!), nous permettait au moins de savoir calculer de tête, faire les quatre opérations et les règles de trois sans calculette (évidemment inconnue à l’époque), et surtout écrire et parler le français correctement, y compris parmi ce qu’on appelle de nos jours «les classes défavorisées» ou «populaires».

Les enfants de cette génération ont, eux, subi de plein fouet le choc éducatif post–Mai–68 et les conséquences inévitables de la dégradation des normes éducatives; mais ce n’est que lorsque les personnes de cette génération–là, déjà endommagée, sont devenues à leur tour éducateurs, que les dégâts se sont démultipliés sur la génération  née en l’an 2000, qui écrit «sa» au lieu de «ça», qui prononce «je dji» (comme dans la téci) à la place de «je dis», et qui ne sait pas faire la liaison avec «euros» («dix heuros» au lieu de «dix z–euros»). L’on pourrait bien sûr multiplier les exemples, tant ils abondent autour de nous.

Si donc il est vrai qu’on écrit de plus en plus mal le français, il est surtout vrai que cette dégradation est plus visible, du fait que l’expression écrite est, hélas! pour les amateurs de beau français, de plus en plus présente dans nos vies (toujours ces maudits réseaux sociaux et autres blogs), et que les fautes d’orthographe nous sautent ainsi de plus en plus aux yeux. Jadis, les personnes qui écrivaient mal (souvent issues des fameuses «classes populaires» déjà évoquées) n’écrivaient pas, ou très peu, et leurs écrits n’avaient pas vocation à être largement diffusés. Tout cela a changé aujourd’hui et, tout comme les fausses nouvelles nous semblent infiniment plus nombreuses, il nous semble aussi qu’énormément plus de gens écrivent mal: c’est marginalement vrai, mais l’accroissement que nous ressentons provient surtout du fait que ces deux phénomènes sont beaucoup plus visibles. Nous y sommes inévitablement confrontés, alors qu’auparavant, ils seraient largement passés «sous le radar».