dimanche 21 septembre 2014

On a vendu mon numéro de GSM !




Vous et moi avons l’habitude de ces grands serments d’honnêteté éternelle que nous prêtent les sociétés quand elles nous demandent de leur communiquer notre adresse email ou notre numéro de téléphone GSM : Nous jurons solennellement sur la Croix, la Torah et le Coran réunis (et les autres, le cas échéant) que jamais, au grand jamais, nous ne vendrons, ni ne donnerons, ni ne laisserons fuiter par négligence, vos coordonnées personnelles auprès de quelque tiers que ce soit ! Votre numéro (ou votre adresse) ne servira strictement blablabla blablabla...

Ces promesses, donc, nous les connaissons, et en général nous leur accordons un certain crédit, car quand une société qui pourrait s’en abstenir (oups !) prend ce genre d’engagement, nous avons tendance à considérer que c’est plutôt bon signe.

Et puis, il y a tous les cas où nous ne faisons pas attention, où nous fournissons certaines coordonnées parce qu’on nous affirme qu’on DOIT le faire, que c’est absolument indispensable à la réalisation du service qu’on attend (alors que, le plus souvent, c’est simplement plus facile pour la société qui le rend), et aussi, bien sûr, la grande masse des cas où on ne nous explique rien du tout, mais où un stupide serveur vocal (pardon pour le pléonasme) ou un formulaire internet obstiné (bis repetita) ne nous permet tout simplement pas de continuer sans avoir « renseigné », comme l’on dit, l’information fatidique.

Depuis peut-être une semaine, je vois arriver sur mon cher iPhone d’étranges SMS : un magasin de vêtements dont je ne suis pas client m’informe de ses soldes privées ; le concessionnaire de mon ancienne marque de voiture m’invite à reprendre la vie commune après toutes ces années d’infidélité (à l’époque, j’avais pourtant un autre numéro de GSM) ; un marchand de meubles de mon voisinage, qui s’apprête à mettre la clé sous la porte, me propose de bénéficier de ses prix massacrés…

Cette quasi-concomitance de ces trois messages promotionnels, arrivés en l’espace de deux ou trois jours, sont le signe indéniable que mon numéro, mon identité, et mon adresse, ont été vendus par une des sociétés ou institutions à qui j’ai dû les communiquer récemment. Il n’y en a pas beaucoup car, alerté sur ce risque, je ne les donne qu’avec parcimonie. Est-ce l’APHP ou les Hospices Civils de Lyon, avec lesquels j’ai été récemment en rapport pour l’hospitalisation d’un proche ? Est-ce l’une des compagnies aériennes turques qui m’ont transporté sur plusieurs vols l’été passé ? Ces deux groupes constituent mes principaux suspects, mais bien entendu, comme à chaque fois qu’une information confidentielle est divulguée, il est bien difficile de savoir qui est coupable, et encore davantage d’en apporter la preuve…

Quand on divulgue des photos d’actrices américaines nues piratées sur le « cloud », j’ai plutôt tendance à rigoler de leur indignation : d’abord, elles n’avaient qu’à pas poser nues si elles voulaient éviter tout risque, et ensuite il faut vraiment qu’elles n’aient pas grand-chose dans le citron pour accepter que ces photos hautement personnelles soient stockées sur le « cloud », où comme chacun sait il est si facile de les pirater !

Donc, selon moi, l’adage Nemo turpitudinem auditur…, qu’on apprend avec délectation en première année de droit, s’applique ici à merveille : les neuneus l’étaient déjà à l’époque des Romains (et aussi bien avant), et c’est là un domaine dans lequel l’homo soi-disant sapiens n’a fait strictement aucun progrès depuis plus de deux millénaires ; il aurait même plutôt régressé. En revanche, lorsqu’on communique un numéro de GSM en pleine connaissance de cause, parce que c’est indispensable pour servir une fin plus haute et/ou plus urgente, et lorsqu’on fait confiance —même implicitement— aux tiers concernés pour prendre soin de vos données personnelles en n’imaginant pas qu’ils iront les revendre aux data brokers pour quelques sous, eh bien il est particulièrement agaçant de se retrouver victime, non pas de sa propre stupidité, car alors on ne pourrait s’en prendre qu’à soi-même, mais de l’âpreté au gain et de l’absence de morale du tiers, en apparence respectable, avec lequel on a traité.

Si le marketing ciblé qui va s’ensuivre se limite à un ou deux SMS par semaine, ça pourra encore aller, même si dans le principe, c’est inadmissible. Heureusement que les photos de moi nu sont en sécurité !