samedi 12 avril 2014

L’état de la France (ou : comment en est-on arrivé là ?)



Avant de rappeler quelques faits qui sont, selon moi, trop oubliés de nos jours et pourtant essentiels pour comprendre la situation économique actuelle de notre pays, je me permettrai de préciser que j’ai toujours été, politiquement, plutôt de droite. Anti-Sarkozy, certes, je le suis devenu, mais seulement parce que je suis anti-voyou et anti-racaille, et que le comportement de Sarkozy à la tête de l’État manquait souvent, et cruellement, de dignité pour qui exerce la plus haute fonction représentative. Et encore, on ne sait sûrement pas tout, comme les affaires judiciaires le montreront peut-être un jour à l’instar de ce qu’elles ont fini par montrer en Italie concernant Berlusconi. Espérons que cela ne prendra pas autant de temps.

Étant révolté par le fait que Sarkozy puisse continuer à représenter la France, je me suis résigné, sans enthousiasme, à voter Hollande —alors que j’aurais voté Fillon avec plaisir s’il avait été candidat. Je constate que la gauche, sur le plan économique, n’a pas fait sensiblement mieux ni plus mal que la droite n’aurait sans doute fait à sa place. Nous verrons si Valls parvient à faire mieux qu’Ayrault, mais je suis convaincu comme la plupart des observateurs objectifs que, quelle que soit la politique économique mise en œuvre (offre, demande, combinaison des deux), la France est trop sclérosée et trop réticente à se réformer pour retrouver le chemin de la croissance, si les autres pays ne « tirent » pas cette croissance. Or, la relative atonie européenne et mondiale actuelle ne présage rien d’enthousiasmant à cet égard.

Ce qui m’amène aux quelques faits que je voulais souligner dans ce billet : la crise que nous vivons depuis quelques années, d’où vient-elle ? Qui en est responsable ? Qui a contribué à l’endiguer ou à l’aggraver pour en arriver là où nous en sommes ?

L’origine de la crise, comme on a tendance à l’oublier, réside aux États-Unis. Ce sont nos amis américains qui l’ont créée de toutes pièces et l’ont exportée chez nous.

Au départ, il y eut l’appétit excessif des banques américaines (j’y inclus l’équivalent de nos caisses d’épargne, les savings and loans) qui, dans une économie où presque tout le monde avait déjà des crédits, se sont entêtées à rechercher encore de nouveaux clients, et ce dans le principal secteur où des « friches » existaient encore : celui du logement. Ce faisant, elles se sont approchées dangereusement de franges de la population de moins en moins solvables, en leur proposant des facilités pour devenir propriétaires de leur logement, au lieu d’en demeurer locataires.

Or, il y avait une bonne raison pour que ces populations ne soient pas déjà devenues propriétaires : c’est que, justement, elles n’étaient pas assez solvables pour emprunter, selon les critères bancaires traditionnels et prudents. Qu’à cela ne tienne, on a jeté la prudence aux orties et, pendant quelques années, le système a tenu, parce qu’il y avait de la croissance économique et que les populations à risque se maintenaient à flot (parfois de justesse) par leur travail. Puis, l’économie a commencé à ralentir, et bien entendu, ces populations-là ont été les premières touchées (ce n’est pas pour rien qu’on les appelait « à risque » !). Ces nouveaux emprunteurs ont commencé à perdre leur emploi, et à ne plus pouvoir rembourser. Les banques ont exercé les droits qu’elles tenaient des contrats de prêts immobiliers et ont dépossédé leurs clients de fraîche date des logements qu’ils avaient à peine commencé à payer (les fameuses foreclosures de sinistre mémoire). Elles se sont ainsi retrouvées à la tête d’un parc immobilier considérable, qu’elles n’étaient pas équipées pour gérer (ce n’est pas la vocation d’une banque), et dont la valeur chutait considérablement car personne ne voulait de ces logements : les populations solvables étaient déjà logées, et les insuffisamment solvables étaient… à la rue, du fait des expulsions.

De proche en proche, les banques ont commencé à s’appauvrir, et à ne plus pouvoir elles-mêmes faire face à leurs propres échéances, car bien sûr les banques s’empruntent et se prêtent en permanence les unes aux autres, ces différents engagements entrecroisés composant une toile d’araignée financière d’ampleur aussi mondiale (et nettement plus ancienne) que celle de l’internet. Par voie de conséquence, la crise bancaire américaine (qui a atteint son sommet avec la faillite retentissante et impensable de Lehman Brothers) fut exportée à l’étranger, à commencer par l’Europe. Les banques, sachant que la solvabilité des autres établissements pouvait être rapidement fragilisée, voire devenir douteuse, ont de plus en plus répugné à se faire confiance, à se prêter, et n’ont donc plus été en mesure d’obtenir suffisamment de capitaux pour financer les entreprises. La crise du système bancaire avait déjà coûté très cher aux États qui avaient dû mettre la main à la poche pour éviter le fameux « risque systémique », c’est-à-dire l’écroulement de tout le système et la spoliation de centaines de millions d’épargnants… et voilà maintenant que cette crise, elle-même plus ou moins circonscrite, contaminait le tissu économique.

Face à cette situation, les pays n’ont pas tous réagi de la même manière. L’on se souvient que Sarkozy s’est longtemps vanté que la France s’en était sortie nettement moins mal que certains autres, en souffrant beaucoup moins de la crise. C’était vrai. Pourtant, la France, on le sait, n’a rien d’un Superman de l’économie. Comment a-t-on donc pu s’en tirer mieux (c’est-à-dire traverser ce passage avec moins de douleurs) qu’un pays comme l’Allemagne, certes moins brillant que nous en matière d’innovation, mais infiniment plus solide industriellement ?

La réponse est simple : la France s’est endettée. Pendant deux ans, Sarkozy a impulsé une politique de la dépense sans retenue, injectant des centaines de milliards dans le circuit économique à la place des banques (ou leur donnant l’argent pour le faire). Ce fut, souvenons-nous-en, le fameux « Plan de relance ». Chaque matin, en écoutant la radio, je me demandais : « Mais où va-t-il aller chercher l’argent qu’il est en train de dépenser ? » On avait l’habitude d’avoir un mal fou à trouver quelques millions pour sauver tel ou tel projet, et d’un coup ça nous pleuvait dessus à coups de milliards, comme si on avait soudainement découvert un énorme bas de laine oublié…

Or, bien sûr, ces milliards, le pays ne les avait pas, attendant sagement dans les coffres de la Banque de France qu’on veuille bien les dépenser. Il a donc fallu les emprunter. Et c’est bien cet énorme fardeau qui plombe aujourd’hui, et durablement, nos comptes publics. Certes, vivre au-dessus de ses moyens était depuis longtemps une caractéristique de la France, quels que soient les gouvernements, mais jamais on n’avait vu une telle accélération de l’endettement en si peu de temps.

La gauche, arrivant au pouvoir, a bien entendu souligné cet élément, mais l’opinion française n’aime pas que l’on dise que c’est la faute des autres —même quand c’est vrai. Aussi, au bout de quelques mois, plus personne n’a osé entonner le refrain de « l’héritage », alors même que nous subissons, et allons encore subir longtemps, les conséquences de cette dispendieuse irresponsabilité. Je ne dis pas qu’il faut se contenter de blâmer la politique économique de Sarkozy ; il faut assurément aussi tenter d’en contrer ou d’en limiter les effets, et pour cela, de relancer la machine économique. Mais pour autant, cette politique a contribué de manière importante à plomber la situation du pays, et à réduire ses marges de manœuvre alors même que d’autres pays, qui ont eu plus mal que nous lors de la crise bancaire et économique, commencent à retrouver les leurs.

Il me semble donc important de ne pas oublier qui nous a menés là où nous sommes : à l’origine, nos amis américains et la gloutonnerie imprudente de leurs banques ; puis, notre ancien Président et sa politique de dépenses massives, mais à courte vue.

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