mardi 17 avril 2012

Jouer avec la profondeur de champ

Photographier, c’est, entre autres, représenter sur un support plat, à deux dimensions, une réalité en trois dimensions: longueur, largeur, mais aussi profondeur.

La «profondeur de champ», c’est le nom du concept, de l’outil qui nous aide à matérialiser sur une photo la «vraie profondeur», celle que l’on perçoit à chaque instant dans le monde réel. Comme une photo n’a pas de profondeur, elle va simuler, ou reproduire, cette profondeur en termes de netteté. Par exemple, le sujet principal au premier plan, sur lequel on a fait le point, sera net ou perçu comme tel par notre œil; et le tableau accroché sur le mur du fond de la pièce, derrière notre sujet, sera, lui partiellement flou. Cette différence de netteté permettra à notre cerveau, lorsque notre œil regardera la photo, d’interpréter le tableau comme se trouvant à une certaine distance derrière le sujet principal, alors qu’objectivement, tableau et sujet principal sont tous sur le même plan, celui du papier-photo ou de l’écran sur lequel la photo est reproduite ou affichée.

Entre le sujet principal bien net, et l'arrière-plan très flou, peuvent se trouver d'autres éléments intermédiaires qui seront perçus comme «quasiment nets» ou comme «presque aussi flous que le tableau»: notre cerveau, là encore, pourra attribuer une gradation dans les distances respectives séparant les différents plans présents sur la photo, en fonction de leur degré de «floutage». Selon que beaucoup d'éléments sur la photo seront nets ou pas, on dira que la profondeur de champ est longue (quand tout est net) ou courte (quand peu d’éléments sont nets).

La capacité d'un appareil-photo a différencier le sujet principal bien net de l'arrière-plan bien flou (il peut exister aussi des flous d’avant-plan, bien sûr) dépend, mais pour partie seulement, de ce que décide le photographe. En effet, pour des raisons optiques, un facteur important dans la production d'un flou quantitativement important et qualitativement harmonieux à l’œil, est la taille du support sur lequel se forme l’image, c’est-à-dire, de nos jours, le capteur photosensible. Les petits capteurs présents dans les appareils compacts ou les bridges permettent rarement de produire un flou marqué, quels que soient par ailleurs les efforts du photographe; avec eux, «tout est net» (c’est souvent un argument de vente!) et l’on n’y peut pas grand-chose.

En revanche, avec les reflex et leurs capteurs plus grands, le photographe a la possibilité de réaliser de jolis flous, surtout que les reflex permettent également d'utiliser des objectifs, non seulement de longue focale et à grande ouverture, deux qualités essentielles pour bien détacher le sujet principal du fond, mais encore des objectifs dont la formule optique a été spécialement optimisée pour produire de jolis flous. Dans le principe, la recette pour y parvenir est simple:
  1. Utilisez un objectif de la plus grande longueur focale possible ou, si vous utilisez un zoom, réglez-le sur cette plus grande longueur possible;
  2. Utilisez votre objectif à sa plus grande ouverture possible;
  3. Placez votre sujet principal, celui sur lequel vous allez faire le point, aussi près que possible de l'appareil; et
  4. Placez votre sujet principal devant un fond aussi distant que possible, et comportant le moins de détails possible.
Et voilà!

Quelques exemples:

Sur cette photo prise à Venise, j’ai détaché l’arête du mur de briques du fond et profité du fait que la partie inférieure blanche semble être le soubassement de la partie en briques, alors que cette partie blanche est en vérité un parapet horizontal sur lequel j’étais assis. Photo faite avec un petit téléobjectif de 85mm à pleine ouverture (f/1,4).  


Cette photo, prise avec un téléobjectif de 400mm à pleine ouverture (f/4), a permis de bien détacher le sujet (le bateau et ses membres d’équipage) du fond (la côte).



Même avec un sujet aussi peu profond qu'un appareil-photo, on peut créer un flou intéressant en photographiant d'assez près avec un objectif assez long à plein ouverture (ici, un téléobjectif de 135mm, typiquement utilisé pour le portrait, à l'ouverture maximale de f/2)
Le flou dans une photo est souvent appelé (en particulier par nos amis anglo-saxons) bokeh, mot japonais synonyme de flou. En soi, le terme bokeh n’implique aucun jugement esthétique puisqu’il est nécessaire de lui adjoindre des qualificatifs ou des descriptifs tels que «un joli bokeh», «un bokeh harmonieux, crémeux, velouté», etc.

Savoir produire et mettre à profit un joli flou est l’un des outils essentiels à la disposition du photographe. Pour un objectif donné monté sur un boîtier donné, le premier critère favorisant la production d'un flou (que l’on espère harmonieux) est l’ouverture du diaphragme: plus elle sera grande, plus la profondeur de champ sera courte, et plus le flou sera prononcé. Se rapprocher du sujet, et éviter qu'il ne soit devant un arrière-plan trop rapproché ou trop texturé, faciliteront également les choses.

Pour finir, rappelons-nous qu'il n'est pas toujours souhaitable d’avoir du flou: parfois, au contraire, il importe que «tout soit net» —ou semble l’être:

Reflets dans le port d’Antibes: l’eau au premier plan, comme le bateau au second, doivent être nets.

... Et il y a aussi des situations où l’on doit savoir doser le flou (un peu, mais pas trop) pour produire l'effet souhaité:

Arsenal de Venise.

Et maintenant, à vous de jouer!

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