dimanche 6 mai 2012

Bien composer ses photos

Nota : n’oubliez pas de cliquer sur les imagettes pour voir les photos en grand format.

Si vous avez lu mes deux articles précédents sur l’exposition photographique, vous avez acquis de bonnes bases pour apprendre à exposer correctement vos photos. L’on peut aller bien plus loin dans ce domaine, et nous irons un de ces jours, mais pour l’heure, nous allons nous intéresser à un autre sujet, encore plus important que l’exposition : la composition.


Je dis « plus important », car même si vous ne savez pas, par vous-même, quels principes gouvernent l’utilisation de la lumière en photographie, il y a de bonnes chances que votre boîtier, lui, le sache, et qu’il fasse la plupart du temps, tout seul, un travail tout-à-fait acceptable dans ce domaine. En revanche, même le boîtier le plus sophistiqué ne sait pas (pour le moment, en tous cas) composer la photo de telle sorte qu’elle soit harmonieuse, dynamique, sereine, provocante, ou tous autres attributs que vous, l’auteur, avez l’intention de lui conférer… ce que vous êtes seul à savoir !

Composer une photo, c’est donc positionner dans le cadre, de manière harmonieuse et conforme à vos souhaits, les différents éléments qui vont devoir y entrer. Il y a pour cela, en restant simple, une règle de base à apprendre, et quelques corollaires qu’il ne faut pas perdre de vue.

« Dans le cadre », dites-vous ? Oui, mais quel cadre ? Bonne question : le premier choix à faire en matière de composition, c’est celui de la focale à utiliser. Il est évident que, debout au même endroit en face d’une cathédrale, d’une plage ou d’un rosier, vous n’obtiendrez pas du tout la même photo selon que vous utiliserez un grand-angle, un objectif dit « normal », un court télé, un long télé, un objectif macro, etc. Même si votre boîtier ne vous permet pas de changer d’objectif, votre cadre changera selon que vous zoomerez ou dézoomerez, et si vous n’avez qu’une seule focale fixe, vous aurez toujours la possibilité de « zoomer avec les pieds », en vous déplaçant physiquement —exercice d’ailleurs excellent, très formateur, et auquel les propriétaires de « zooms-paresse » devraient s’astreindre plus souvent !

Une fois la focale choisie, votre cadre est donc déterminé, ainsi que les éléments qui pourront y être inclus en fonction de l’angle de champ et du grossissement de la focale choisie, et partant bien sûr du principe que vous ne vous déplacerez plus, sinon tout change de nouveau.

Positionner ainsi, sur la ligne de côte, la magnifique croix celtique de cet émouvant petit
oratoire du XIe siècle, résulte évidemment d’un choix délibéré qui suppose
une certaine gymnastique pedibus cum jambis… Dans une pareille situation,
aucun zoom ne peut aider, seul le placement de l’opérateur le peut (Saint-Cado, Morbihan)


Partant de là, deux possibilités : ou bien vous collez votre sujet principal bien au milieu du cadre (« en plein dans la pastille » comme on disait à l’époque de l’argentique en référence à la « pastille » ronde du stigmomètre placée au centre du verre de visée), et vous obtenez les photos-souvenir banales de tout le monde, qui ne trouveront grâce qu’aux yeux de ceux qui les ont prises et de ceux qui sont dessus, ou bien… vous essayez d’agencer les éléments dans le cadre d’une manière lus harmonieuse.

« Oui, mais c’est quoi, au juste, l’harmonie ? » dites-vous maintenant. Il est vrai que, dans une certaine mesure, l’harmonie, l’esthétique, sont des notions subjectives qui sont affaire d’appréciation personnelle. Cependant, nous faisons tous partie de l’espèce Homo sapiens, la plupart d’entre nous vivent dans ce qu’on appelle « le monde occidental », et ce qui, à l’œil, semble harmonieux et bien proportionné est bien plus « normalisé » que l’on ne pourrait le penser. C’est pourquoi l’on peut en premier lieu s’appuyer sur la règle de base, dite règle des tiers, que l’on peut expliquer brièvement comme suit : divisez le cadre en tiers, dans le sens de la hauteur et de la largeur, et positionnez les éléments importants de votre photo sur ou aux environs des lignes de partage, voire mieux encore, à leurs intersections.

Partage du cadre selon la règle des tiers. Sur certains boîtiers, il est possible
d’afficher ces lignes dans le viseur afin d’aider à la composition.
Quand vous aurez un peu l’habitude, vous le ferez d’instinct et n’en aurez plus besoin.


Vous avez assimilé la règle des tiers ? Bravo, vous savez désormais l’essentiel de ce qu’il faut pour bien composer une photo.

Cette image assez banale d’un panier de cerises posé sur l’herbe serait parfaitement barbante
si le panier était « en plein dans la pastille ». Ainsi décadrée, la photo « passe » mieux,
même si son sujet n’est pas captivant.


Les autres petites règles annexes, maintenant, ne seront plus qu’un jeu d’enfant. Il en existe d’autres, outre celles dont je vais parler, vous les découvrirez chemin faisant.

La première règle concerne les regards. Quand votre sujet possède un regard (être humain ou animal), et que ce regard n’est pas dirigé droit vers l’appareil mais vers l’un des bords de l’image, il est important de laisser de l’espace à ce regard pour voyager. Décadrez donc afin qu’il ne paraisse pas buter tout de suite contre le bord du cadre.

Ici, j’ai cadré de sorte à laisser de l’espace dans la direction du regard de la mouette.


Mais bien sûr, toute règle possède ses exceptions :

Ici, j’ai cadré la mouette du « mauvais côté » de l’image du point de vue de son regard,
afin de montrer le mouvement de l’eau dérangé par son récent envol.


Autre corollaire important : utilisez les perspectives, les alignements, la répétition de motifs identiques ou similaires, servez-vous des angles de l’image pour « faire sortir » ou « faire entrer » les trajectoires, les directions que l’œil peut détecter dans votre photo. Comme souvent, quelques exemples seront plus parlants :

Ici la clôture de barbelé « sort » du cadre par l’angle inférieur gauche.
Les feuilles de papier qui sèchent « voyagent » de l’angle supérieur gauche à l’angle
inférieur droit, qui est le sens de lecture de nos langues occidentales.

Les traces de roues « sortent » par l’angle inférieur gauche.


Des approximations peuvent parfois fonctionner de manière satisfaisante :

La ligne de crête sort « presque » dans l’angle supérieur droit, alors que la route
rate de peu l’angle inférieur du même côté… mais l’image demeure plaisante
à contempler et semble harmonieuse. Moralité : le respect scrupuleux et rigoureux
de la règle n’est pas forcément toujours indispensable… (col de Roncevaux)
Brume matinale sur le lac de Genève, la règle des tiers n’est pas véritablement
respectée mais l’ambiance ouatée est prenante et l’on oublie de saisir
son double-décimètre…!


Pensez aussi à adopter un point de vue un peu original, différent de ce que l’on voit partout : pour photographier de banales fleurs des champs, allongez-vous sur le sol et photographiez-les du dessous…

Un point de vue inhabituel donne à un sujet banal un relief nouveau…
… Particulièrement lorsqu’on le photographie face au soleil, « cassant » ainsi
un autre principe photographique qui veut qu’on se place de préférence avec
le soleil dans le dos, ou sur le côté… Nous en reparlerons.

Un monument archi-connu (ici, la Ca’ d’Oro à Venise) peut bénéficier aussi
d’une approche visuelle plus audacieuse (ici un basculement du boîtier
qu’on appelle Dutch angle au cinéma) qui rendra l’image plus attachante…
ou plus repoussante pour certains, reconnaissons-le !
Une composition banale faute d’options plus intéressantes peut être rendue plus vivante
et plus attirante visuellement en assemblant plusieurs photos,
telle cette petite série faite pour le premier album d’un groupe de rock lyonnais.


Si vous choisissez d’écarter la règle des tiers au bénéfice d’une composition symétrique ou presque, rien ne vous en empêche…

Symétrie quasi-parfaite d’une « HLM » vénitienne.

Autre exemple de composition symétrique (moins parfaite évidemment,
puisque dépeignant une activité humaine et sportive), qui repose
aussi bien sur les éléments qui se répondent à l’identique
de chaque côté du cadre, et sur les éléments différenciants,
un peu comme le jeu des sept erreurs…

Ainsi prend fin ce premier article sur la composition. Mettez en pratique la règle des tiers, les angles d’entrée et de sortie, les perspectives, les espaces libres devant les regards, et n’oubliez pas aussi… d’oublier les règles de temps en temps, quand l’intérêt de l’image le commande !

Orage d’été sur la lagune de Venise : le ciel était tellement magnifique qu’il n’était
pas question d’en perdre une partie pour réserver un tiers du cadre à la mer !

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