dimanche 13 mai 2012

Le soleil dans l’œil


J’ai dit dans mon article précédent que, s’il était essentiel de connaître les règles de la composition et de les appliquer, il fallait aussi savoir occasionnellement s’en affranchir, et que cela valait également pour la règle selon laquelle, pour avoir un sujet joliment éclairé en lumière naturelle, il faut avoir le soleil, sinon dans le dos, en tous cas sur le côté ou de ¾ arrière.

En effet, avoir le soleil sur l’avant, voire même lui faire franchement face, permet d’obtenir des ambiances originales et intéressantes. Bien entendu, le photographe va devoir alors faire face à plusieurs difficultés techniques dont les principales seront :
  1. le contraste considérable entre des hautes lumières très lumineuses, et des basses lumières souvent très sombres, d’où de grande difficultés à calculer une exposition qui convienne aux deux ; et
  2. éviter l’entrée directe de rayons lumineux dans l’objectif.
Bien entendu, inclure l’astre du jour lui-même dans le cadre va accroître considérablement le problème (1), et empêcher par définition de porter remède au problème (2), ce qui ne simplifiera pas les choses. Pour autant, ces défis techniques ne sont pas insurmontables, voici quelques idées pour y faire face.

Le contrejour permet d’exploiter d’intéressants effets de contrejour.

Ici, le contrejour nimbe la tête et l’encolure du daim d’une clarté qui met le sujet
en valeur.


Exposer correctement avec le soleil en face

La difficulté, on l’a dit, est que le capteur de l’appareil (de même que, jadis, la pellicule photographique) n’est pas capable de faire « le grand écart » entre de très hautes lumières et de très basses. Il est souvent capable de gérer les très hautes, ou les très basses, mais pas les deux en même temps. Sa capacité à le faire, que l’on appelle la « dynamique », est une caractéristique que les constructeurs améliorent régulièrement, mais qui est encore loin de permettre de faire face (sans jeu de mots) à des contrastes aussi élevés, a fortiori sur des modèles d’entrée de gamme ou de gamme moyenne.

La solution ? Il y en a plusieurs.

D’abord, il est sage de mettre le posemètre en mesure spot et de mesurer manuellement un point très éclairé du cadre, puis un point très sombre, et d’essayer de faire la moyenne. Quand je dis « point très éclairé », cela s’entend Soleil lui-même exclu, bien entendu : mesurer la lumière sur le Soleil directement, sans filtre, non seulement ne produirait aucun résultat utilisable, l’intensité lumineuse étant bien trop violente, mais pourrait même endommager le capteur, pour ne rien dire de la rétine du photographe… À éviter absolument ! Donc, il faudra accepter que le Soleil soit surexposé. Pour qu’il ne le soit pas, il faudrait employer un filtre gris très dense, tels que ceux que l’on utilise en photo astronomique, et qui rendrait le reste de l’image complètement noir.

Cela dit, même si l’on accepte que le Soleil soit aussi éblouissant sur la photo que dans la réalité, il existera en dehors de lui de nombreuses zones très éclairées qu’il faudra sauver, elles. Pour ce faire, soit vous arriverez à calculer une valeur moyenne comme expliqué plus haut, soit vous devrez « pousser le curseur » d’une côté ou de l’autre, choisissant de sauver plutôt les hautes lumières, soit au contraire de poser pour les ombres, acceptant de brûler une bonne partie des hautes lumières. Outre vos préférence artistiques personnelles, le choix pourra être commandé par des considérations pratiques : les parties les plus intéressantes du sujet, celles qui devront absolument rester lisibles, sont-elles plutôt très éclairées ou dans l’ombre ? Quelle que soit la réponse, il est rarement recommandé de choisir tout l’un ou tout l’autre : si vous décidez de poser pour les basses lumières, vous veillerez cependant à les surexposer légèrement afin de récupérer un peu de texture dans les transitions entre ombres et hautes lumières. Cela peut se faire très facilement quand on est en mode M, ou en introduisant une compensation d’exposition d’un ou plusieurs tiers de diaphragme… sans oublier de remettre ce réglage où il se trouvait auparavant !

Dans tous les cas, la consultation de l’histogramme sur l’écran arrière vous permet de juger instantanément du résultat obtenu. Ne vous fiez pas à la photo telle que l’écran la reproduit car il n’est peut-être pas très fidèle ; en revanche, l’histogramme, lui, ne ment pas.

Et comme dans toutes les situations d’exposition difficile, il est toujours possible de bracketer trois vues ou davantage, puis de combiner les résultats dans Photoshop, en faisant bien preuve de modération afin de ne pas transformer votre jolie photo en un HDR dont vous savez déjà ce que je pense…!

Et puis, il y a toujours le cas où l’on voit shooter « à l’instinct » (voire « ne mode paresseux »), en laissant faire les automatismes… et il faut bien admettre, notre science photographique dut-elle en souffrir, que la machine se débrouille parfois étonnamment bien, et obtient des résultats fort honorable, surtout sur les boîtiers haut de gamme qui bénéficient de nos jours de capacité d’analyse matricielle surprenantes.


Combattre le flare

Photographier avec le Soleil dans le cadre, ou à proximité, c’est prendre le risque quasi-certain que nos images soient parasitées par ces phénomènes que nos amis anglo-saxons appellent ghost ou flare, et qui se matérialisent notamment par de disgracieux points lumineux montrant la forme des lamelles du diaphragme, effet parfois recherché esthétiquement mais souvent peu gracieux et qui ne peut en tous cas être accepté de manière systématique. De plus, l’intensité du flare a souvent pour conséquence de noyer tout ou partie de l’image sous une « marée lumineuse », affadissant les couleurs et entraînant la perte des détails. Pour éviter cela, le mieux est, pour commencer, d’utiliser le pare-soleil fourni avec l’objectif (ou que l’on aura pris soin d’acquérir à part s’il n’est pas fourni), puis d’avoir recours si nécessaire à sa propre main ou à de petits cartons noirs rigides qui vont servir à prolonger l’effet du pare-soleil dans la direction voulue, en empêchant ces rayons solaires de pénétrer à l’intérieur de l’objectif.

Le flare se distingue ici clairement dans l’angle supérieur gauche de la photo.

 Le flare étant provoqué par les reflets internes générés entre les différentes lentilles de l’objectif par la violence du flux lumineux, les opticiens ont bien sûr tenté de lutter contre ce phénomène. Dès les années 1970 sont apparus les traitements dits « multi-couches » qui ont donné à nos objectifs ces jolies colorations bleu-vert ou orange-magenta. Ensuite, on s’est mis à utiliser des lentilles en verre spécial à faible dispersion, conservant mieux le parallélisme des rayons lumineux, car c’est de leur « pagaille » que naît le flare. Aujourd’hui, on y ajoute des traitements de surface dont les meilleurs sont imperceptibles à l’œil nu, à l’instar du NanoCrystal® de Nikon qui permet d’obtenir des résultats absolument remarquables. Hélas ! la médaille technologique a souvent le même revers, à savoir le prix, et ces traitement ne sont appliqués qu’à des objectifs haut de gamme, voire professionnels.

Absence totale de flare sur cette photo, malgré la présence directe du Soleil dans
le cadre. C’était la fin de l’après-midi et, bien que le Soleil soit encore haut
dans le ciel, je suis parvenu à garder un bon niveau de détail dans les ombres.

Le flare apparaît ici sous la forme d’un rayonnement qui, en l’occurrence, me semble
acceptable, voire même plutôt esthétique. On est plus tard dans la soirée, le Soleil est
plus bas sur l’horizon, les ombres plus longues et plus présentes, mais elles contri-
buent à l’ambiance un peu mystérieuse de la photo qui retient un bon niveau de détail.

Ici en revanche, même si le flare reste assez esthétique, il n’y a presque plus de
détails dans les basses lumières qui envahissent la majeure partie de l’image,
créant certes une ambiance intéressante mais nuisant beaucoup à la lisibilité.
 

Donc, combattre le flare se résume le plus souvent à empêcher l’entrée des rayons lumineux directs dans l’objectif en les interceptant. Afin de vérifier que votre main ou votre pare-soleil additionnel improvisé n’empiète pas sur le cadre, si votre viseur ne couvre pas 100% du champ, un coup de Live View vous permettra de voir ce qu’il en est. Et si les rayons pénètrent quand même, il n’y a pas grand-chose à faire. Dans certains cas, en fonction de la formule optique de l’objectif, diaphragmer un peu plus ou un peu moins peut aider à limiter le flare ; dans d’autres cas, il n’y aura aucune différence perceptible. Quelques essais comparatifs vous permettront de vous faire une bonne idée des capacités de vos différentes optiques en la matière.

Cela étant, et même s’il ne faut pas faire du contrejour une approche systématique (quoique), c’est un point de vue plus original et intéressant à adopter de temps à autre, quand on en connaît bien les inconvénients.

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